Un trottoir et sa bande de stationnement qui se transforment en quai de déchargement pour livreurs Amazon... (Ici, rue Bleue et rue Richer à Paris 9ème).
Ces scènes de rue, qui se multiplient, sont l'occasion de revenir sur les nouveaux enjeux de la logistique urbaine que nous détaillions dans notre carnet d'économie urbaine (pages 16 à 18).
Dans le prolongement de notre mission pour le Grand Lyon sur le sujet, nous y montrions que la gestion de la logistique urbaine devient un enjeu majeur pour les villes, au carrefour des nouveaux modes de consommation – lesquels sont poussés par des plateformes numériques avec de nouveaux modèles économiques qui expliquent leurs stratégies commerciales offensives -, des enjeux de partage de l’espace public et d’attractivité des rez-de-chaussée, et de l’impératif de transition écologique.
La logistique urbaine bouscule les rez-de-ville : alors que la « lutte des places » s’accélère et que l’immobilier logistique devient de plus en plus urbain, petit et banalisé, le brouillage s’accentue entre ce qui relève de l’immobilier (intérieur et privé, en général) et ce qui relève de l’espace public (extérieur et public, en général).
Ces évolutions doivent interpeller les collectivités locales, mais aussi l'ensemble des opérateurs de la ville, et posent la question des nouveaux partage de l'espace public (cf. notre intervention devant le maire de Boulogne-Billancourt et ses adjoints), de l'esthétique urbaine, de la tarification du trottoir, et des opérateurs du rez-de-ville et de la proximité... entre autres !
En complément, à lire dans Le Monde de ce jour l'analyse de Philippe Escande ("Quand Amazon présente la facture") qui rejoint celle sur Google Maps.
Comme un feu de forêt, l’inflation ne connaît ni frontières ni zone protégée. Une fois la bonne température dépassée, plus rien ne peut arrêter les flammes. La hausse des prix a atteint 8,5 % aux Etats-Unis en mars 2022, du jamais-vu depuis 1981. Parti des matières premières, l’incendie se propage désormais à toute l’économie. D’abord par l’intermédiaire de la hausse des prix du carburant. Les compagnies aériennes ont relevé le tarif des billets, Uber celui des courses et Fedex des livraisons.
Il ne manquait plus que le principal propagateur de la hausse des prix dans le pays, Amazon. L’empereur du commerce en ligne a annoncé une hausse de 5 % du tarif de ses livraisons appliqué à tous les vendeurs qui commercent sur sa plate-forme, c’est-à-dire une bonne partie du commerce de détail aux Etats-Unis. Déjà pénalisés par leurs propres problèmes logistiques et de matières premières, les marchands de tables de jardin, de jouets, de brosses à dents ou de plats cuisinés vont devoir faire valser les étiquettes ou perdre de l’argent.
Dans une lettre à ses clients professionnels, Amazon justifie cette mesure par la hausse des prix des carburants, bien sûr, mais aussi par les investissements considérables consentis durant la crise pour augmenter ses capacités de stockage et de livraison, qui se sont concrétisées par l’embauche de 750 000 employés. Un chiffre colossal à la mesure de la puissance désormais d’Amazon.
Elle justifie également la hausse par celle du salaire de ses ouvriers, dont le minimum est passé de 15 dollars (environ 13,7 euros) à 18 dollars à l’automne 2021, face, notamment, aux pénuries de main-d’œuvre. Le piège de l’inflation est donc en train de se refermer : l’inflation fait monter les salaires, qui font monter les prix, qui avivent les revendications salariales dans un pays déjà au plein-emploi, etc.
Mais tout le monde n’a pas la chance d’Amazon, celle de l’acteur dominant sur son marché et qui donc peut répercuter ses coûts. La plate-forme représente près de 40 % des ventes de commerce en ligne aux Etats-Unis. En grande partie parce qu’elle a généreusement accueilli, dès ses origines, tous ses concurrents qui souhaitaient profiter de sa logistique. Un pari jugé insensé il y a vingt ans et qui prend tout son sens aujourd’hui. Plus de 50 % des marchandises vendues sur son site le sont par des commerçants tiers. Progressivement, la firme de Jeff Bezos leur a proposé de prendre en charge leur logistique, la livraison, puis leur informatique. A des prix défiant toute concurrence. Une armée d’obligés qui représente le quart de l’e-commerce en Amérique et qui doit aujourd’hui avaler les hausses successives sans avoir eux-mêmes le pouvoir de les répercuter à leurs clients.
L’inflation le justifie, mais pas uniquement. La hausse actuelle de 5 % fait suite à une précédente du même ordre en janvier. Résultat, selon l’association activiste Local Self Reliance, la commission prélevée sur les marchands de sa plate-forme est passée de 19 %, en 2014, à 34 %. Et cette politique, destinée à gonfler les marges de l’entreprise, s’applique aussi aux particuliers. Ainsi, en février, le prix de l’abonnement Prime, qui donne accès à la livraison, la musique, la vidéo, etc., a été relevé de 16 %, passant de 119 à 139 dollars.
Au fil des ans, Amazon, réputé pour casser les prix, s’est rendu suffisamment indispensable à ses clients particuliers ou professionnels pour qu’il puisse maintenant cueillir les fruits de sa minutieuse conquête du monde de la consommation. L’inflation vient parachever l’édifice.
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