Extrait de l'interview de Pierre-André de Chalendar, PDG du groupe Saint-Gobain, dans les Echos du 29 et 30 septembre 2017 (c'est nous qui soulignons). (Les schémas sont extraits de la présentation investisseur de mai 2017)
Il y a de bonnes normes et de mauvaises normes. Dans la construction, il y a des normes excessives (nombre de places de vélo, de parking, etc.), mais les normes d'efficacité énergétique ont montré qu'elles étaient positives. Cela dit, aujourd'hui, je ne pense pas souhaitable d'aller plus loin dans la réglementation énergétique pour le neuf. Imposer que tous les bâtiments soient à énergie positive me paraît excessif. Mieux vaut raisonner à l'échelle d'un quartier qu'obliger tout le monde à avoir des panneaux solaires. Il convient de rester sur une base volontaire. Si c'est obligatoire je crains que ce soit trop compliqué.
Mais plus encore que d'un travail sur les normes, dans le bâtiment, le progrès viendra du digital et de l'innovation. Ce n'est pas, en termes d'image, un secteur high-tech, pourtant je suis frappé par les vagues actuelles de modernisation et d'innovation dans notre secteur. C'est tiré par des entreprises comme Saint-Gobain, qui sont innovantes - depuis six ans, chaque année, Saint-Gobain figure dans les classements américains comme une des 100 entreprises les plus innovantes au monde tous secteurs confondus.
Et le digital fait son entrée dans tous les aspects du secteur : c'est la maquette numérique, c'est aussi les objets connectés sur les chantiers, qui vont considérablement en accroître la productivité. Il faut savoir que, depuis cinquante ans, le bâtiment est le secteur d'activité ayant connu le moins de gains de productivité, et je pense que cela va changer. Le digital a également pour conséquence le renforcement accéléré du rôle de l'utilisateur final dans la chaîne de décision.
Quid de la taxe sur la robotisation ?
La grande leçon des quinze dernières années, c'est que les pays qui marchent le mieux sont ceux ayant une industrie forte. Regardez le nombre de robots par unité produite en Allemagne par rapport à la France : nous sommes en retard et les robots n'ont pas détruit d'emplois en Allemagne ! Ce sujet est un faux débat. L'usine du futur fera peut-être gagner quelques points de rendement, mais, surtout, elle permettra une beaucoup plus grande « volatilité » de la production. Elle permettra de faire, à un coût voisin du produit de masse, un produit personnalisé. Ce qui correspond au sens de la demande. Or, plus les produits sont personnalisés, plus il faut qu'ils soient près du client. Cette évolution est une chance de relocaliser en France les emplois industriels.
Et à quoi ressembleront les produits du futur ?
Nous aurons de plus en plus des produits actifs et non plus passifs. En vitrage, par exemple, la grande révolution il y a trente ans a été de mettre des couches sur les verres, pour arrêter ou transmettre la chaleur. Mais ce sont des couches qui ne changent pas. La nouvelle génération, ce sont des couches actives, dont les propriétés peuvent être modifiées, souvent via des impulsions électriques. Nous avons aussi, maintenant, des plafonds en plaques de plâtre où ces dernières assurent la sonorisation et font enceinte acoustique. Cela donne une musique très diffuse... D'une manière générale, les matériaux du futur seront connectés. Les plus avancés sont actuellement dans l'automobile, où le vitrage devient un support d'information. Dans la voiture connectée, le pare-brise affichera le clignotant, par exemple, et pourra devenir aussi un écran où projeter un film, car il suffira d'appuyer sur un bouton pour que le vitrage devienne noir...
La maison sera de plus en plus connectée, on voit déjà des produits de domotique, mais ils auront besoin à l'avenir de beaucoup plus de senseurs et ils seront incorporés dans nos produits, par exemple pour moduler le réglage du chauffage en fonction de la température extérieure mesurée par la fenêtre. Autre exemple, Pont-à-Mousson travaille sur des canalisations qui détectent les fuites. En Finlande, nous mettons dans nos mortiers des senseurs permettant de vérifier le temps de prise, qui varie selon les types de sol.
Saint-Gobain subit-il encore des dommages liés à sa récente cyberattaque ?
Les usines ont heureusement été peu touchées. Mais nous avons eu un impact sur nos ventes, dont une bonne partie dans la distribution. Nous avons perdu de l'ordre de 250 millions d'euros de ventes et 80 millions de résultat. C'était un virus d'un type nouveau et d'une violence extrême. Nous nous sommes rétablis extrêmement vite, en dix jours, grâce à l'aide de l'Agence nationale de sécurité informatique (Anssi), qui a été formidable. Avec l'Anssi pour guide, notre architecture informatique a été rebâtie d'une façon assez nouvelle, avec des normes très différentes et un niveau de protection similaire à celui des industries de la défense. En travaillant jour et nuit, nos équipes ont réalisé en dix jours un travail qui aurait pris, en temps normal, de six mois à un an !
Source : "Les réformes consolident la reprise française" - Les Echos - 29 et 30 septembre 2017
A lire également nos précédents billets, notamment :
- Veille sur les nouveaux entrants de l'immobilier
- Quand la valeur de l'immobilier glisse vers l'aval
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