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Jane Jacobs, le pouvoir des femmes urbanistes et le trottoir : un choc !

L'article de Bloomberg Citylab sur Jane Jacobs date du 16 novembre 2011, mais il vient récemment de refaire son apparition sur les réseaux sociaux, et nous le découvrons seulement maintenant. Intitulé "Jane Jacobs and the Power of Women Planners", c'est un article sensible et stimulant sur la manière dont les idées de Jane Jacobs ont réussi à s'imposer dans un milieu dominé par les hommes.

En voici un extrait (traduction ibicity + Google Translate*. C'est nous qui soulignons) :

"Se demandant pourquoi les voix des hommes et des femmes étaient entendues différemment sur la question de la construction de la ville, elle a noté de manière factuelle que les femmes pensent à des choses proches de chez elles : la rue, le quartier et la communauté. Elles reconnaissent plus facilement la grande différence que les petites choses peuvent faire. Les hommes voient grand, national et mondial. Ils sont fonctionnent dans des logiques "top-down".

Ce contraste s'est joué publiquement lorsque le développeur James Rouse et Jane Jacobs sont apparus ensemble en 1980 à la Boston Great Cities Conference. Leur sujet était la question de savoir si les villes devraient être développées avec de grands projets et des visions inspirantes ou des étapes modestes et des changements progressifs".

L'article de Bloomberg a été publié à l'occasion du 50ème anniversaire de la publication de son livre devenu une référence incontournable : "Death and Life of Great American Cities".

Comme les lecteurs de notre blog l'auront sans doute remarqué, nous traversons en ce moment une période légèrement monomaniaque sur le trottoir. Comme celui-ci est au coeur des réflexions urbaines de Jane Jacobs, nous avons imaginé mettre en ligne les meilleures pages que Jane Jacobs a écrites sur le trottoir. Nous allons donc chercher dans notre rayonnage son livre (que nous avons, on l'avoue, en version française), et puis finalement la facilité l'emporte à nouveau : ce sera plus facile de recopier les extraits depuis une version électronique du livre... laquelle n'existe qu'en anglais. Dont acte...

Un choc !

C'est alors que le choc se produit : dans les titres des chapitres, le mot "sidewalks" (qui signifie "trottoirs") est systématiquement traduit par le mot "rue" dans l'ouvrage en français !!

C'est également le cas à plusieurs reprises dans le texte. Même sa fameuse expression "the sidewalk ballet" est traduite par "le ballet des rues" (page 54 du livre en français) !

On savait que le "trottoir" était le mal-aimé de la pensée urbaine (sans doute parce qu'il est associé à la prostitution* et à la vie à la rue. Les urbanistes en France s'intéressent d'ailleurs surtout aux "espaces publics"), mais à ce point, c'est surprenant ! A n'en pas douter, femmes et trottoirs partagent donc un même combat : plus de considération et moins d'invisibilisation !

*L'équivalent anglais de l'expression "faire le trottoir" renvoie d'ailleurs, a contrario, à la... rue : "walking the streets" !

NB1 : dans la Postface de l'édition française, Thierry Paquot note néanmoins :

"Des extraits figurent dans de nombreuses anthologies, la plupart du temps, ce sont ceux qui valorisent le trottoir et expliquent en quoi la rue s'avère le lieu même de l'urbanité (par exemple, l'Urbanisme, utopies et réalités : une anthologie, de Françoise Choay, en 1965 ou encore The City Cultures Reader, de Iain Borden, Tim Hall et Malcolm Miles, en 2000)".

NB 2 : Cette question de traduction nous fait penser à cette phrase : "le traducteur en prose est un esclave, le traducteur en vers un rival".

"Il est certes regrettable que le présent volume ne comprenne (à l'exception de deux pièces de théâtre, où le déroulement de l'action rend accessoire, à la rigueur, la forme versifiée) que des traductions d'oeuvre en prose : il manque évidemment quelque chose d'essentiel à un florilège de l'oeuvre de Pouchkine et de Lermontov où ne figurent ni Eugène Onieguine ni Le Démon. Mais, comme le dit un jour Joukovski, lui-même excellent interprète en poésie russe de poèmes étrangers, "le traducteur en prose est un esclave, le traducteur en vers un rival", et n'est pas qui veut "rival" de Pouchkine ou de Lermontov, surtout en français. Aragon lui-même ne s'est risqué, sauf erreur, qu'à quelques transpositions fragmentaires de strophes d'Eugène Onieguine. Quant à une traduction en prose, elle serait par définition une trahison"... (Note 1 de l'introduction dans la Pléiade des oeuvres de Griboïèdov, Pouchkine, Lermontov)

Preuve peut-être que la pensée urbaine de Jane Jacobs est une poésie !

NB3 : Ci-dessous l'extrait de l'anthologie de Françoise Choay sur le livre de Jane Jacobs. Elle aussi met donc l'accent sur la "rue" plus que le "trottoir". En revanche, les "yeux de la rue" est bien la traduction littérale de l'expression "eyes on the street" de Jane Jacobs.

A lire également :

L'article de The Conversation : What might Jane Jacobs say about smart cities?

Notre billet sur la féminisation des noms des rues à Paris.

 

*Version originale :

Pondering why men and women’s voices were heard differently on the subject of city building, she noted matter-of-factly that women think about things close to home—street, neighborhood and community. They more easily recognize the big difference small things can make. Men think big, national and global. They are top-down oriented.

This contrast was played out in a very public way when developer James Rouse and Jane Jacobs appeared together in 1980 at the Boston Great Cities Conference. Their subject was the question of whether cities should be developed with big plans and inspiring visions or modest steps and incremental change.

 

 

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