Ce jeudi 14 octobre 2021, se tenait à la Cité de l'Architecture, la restitution de la démarche « Habiter la France de demain », une démarche initiée en février 2021 par la Ministre du Logement, Emmanuelle Wargon, visant à dessiner un "habitat de demain écologique et désirable".
Nous étions invitée à intervenir, devant la Ministre (restée présente toute la matinée !) lors de la troisième table-ronde de la matinée, qui réunissait notamment Jacqueline Osty, paysagiste et Grand Prix de l'Urbanisme, et Florian Bercault, maire de Laval.
Le replay de la matinée est disponible : ici.
Notre intervention démarre au bout de 2 heures et 44 secondes.
Le propos n'est pas identique à ce qui va suivre, mais, en substance, nous avons partagé trois convictions :
Conviction 1 : aujourd'hui, il y a globalement un consensus sur l'urgence d'opérer la transition écologique (le pourquoi ?) et certains chemins pour y arriver (le quoi ? par exemple, l'objectif de ZAN), mais ce qui manque c'est le mode opératoire de cette transition, et notamment la question du modèle économique (le comment). D'où l'importance de penser qui vont être les opérateurs de cette transition et quel va être leur modèle économique.
Par exemple, on parle beaucoup de la proximité, ou de la ville du quart d'heure, qui peut être vue comme une manière de nommer la densité désirable. Là encore, je pense qu'il est intéressant de se demander qui seront les opérateurs de la proximité demain. La collectivité ou l’association d’habitants ? Le promoteur qui déborde sur la rue, alors même que leur échelle d’intervention dépasse la parcelle pour aller jusqu’au quartier ? Les plateformes de livraisons de courses ou de repas qui connaissent un tel succès qu'on peut se demander si par exemple les logements auront encore des cuisines demain ?
Conviction 2 : fondamentalement, la transition écologique, c'est le constat d'une inversion des raretés : "avant l'homme était rare et la nature abondante, maintenant c'est l'inverse, la nature est rare et l'homme abondant" (J.M. Séverino). Or ce qui est rare est cher, et cette inversion des raretés va produire une inversion des valeurs. Donc tout l'enjeu c'est déjà d'identifier ces nouvelles raretés.
Ainsi, avec le ZAN, certains actifs (par exemple un terrain dont on pensait qu'il serait constructible et qui ne l'est plus) vont perdre de leur valeur ("actifs échoués"), tandis que d'autres (une friche) va peut-être en prendre ("actif émergent"). Qui va supporter ces transferts de valeur ? Les pertes seront-elles mutualisées ou supportées seulement par les propriétaires des actifs. Il y a à je pense un vrai débat qui s'ouvre et qui est déterminant dans la manière dont concrètement la maille du ZAN va être définie.
De même, sous l'effet des transitions écologique, mais aussi numérique et post-covid, la bordure de trottoir devient rare et sans doute en ville l'actif avec le plus de valeur (cf. les "batailles" successives autour des vélos en free-floating, des trottinettes ensuite et maintenant des terrasses). Et il devient urgent de "gouverner le trottoir" et d'en avoir une vraie vision stratégique.
Conviction 3 : on voit émerger de plus en plus d'initiatives autour de la densification du péri-urbain (BIMBY, surélévations, etc...). Mais, je crois que c'est une évidence, un logement ne vaut que parce qu'il s'inscrit dans un quartier, et bénéfice d'aménités urbaines et d'équipements publics. Tout l'enjeu est de penser la construction de logements en même temps que les dispositifs de financement des équipements d'intérêt général et de mixité sociale et programmatique. Dans les grandes opérations d'aménagement, c'était au fond la fonction de l'aménageur avec la ZAC. Il me semble qu'il faudrait de la même manière imaginer un "opérateur du diffus d'intérêt général".
A écouter également (entre autres), l'intervention, juste après, de Stephan de Faÿ, directeur général de Grand Paris Aménagement, sur l'évolution du métier de l'aménageur.
L'évènement se clôturant par une série d'annonces de la part de la Ministre, il a été largement relayé dans la presse. A lire par exemple l'article du Monde sur "les dix pistes" retenues par le gouvernement : ici.
NB : cette invitation à intervenir faisait suite à notre participation à la sixième table ronde jalonnant la démarche, qui se tenait le 6 octobre sur le thème « Aménagement, construction, urbanisme : concilier durable et désirable ».
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