Outre sa valeur de témoignage, il devrait combler les cinéphiles adeptes du "réalisme poétique" et des films de Carné.
"Le film est une condamnation sans appel d'une politique "anti-sociale" qui a conduit à un tel état de fait, aggravé par la guerre. Le député-maire communiste Charles Tillon a commandé la réalisation de ce film pour témoigner. Il le fait de façon poignante, sans grandiloquence, ni misérabilisme excessif. C'est la dure réalité que les images montrent d'une manière implacable. Elles s'harmonisent parfaitement avec le commentaire, tantôt virulent, tantôt poétique et avec les belles chansons nostalgiques de Kosma-Prévert. Aujourd'hui encore, le film garde son impact et sa beauté bouleversante". (Guide des films. Jean Tulard).
Le film peut être vu en ligne : ici.
Extraits du commentaire de Jacques Prévert :
Mais dans le quartier du Landy, les maisons d’habitations, les maisons louées bourgeoisement n’ont rien à envier aux usines pour l’hygiène, pour le confort et la gaieté. Maisons d’Aubervilliers, ruines de l’adversité, épaves de la cité, habitées par de pauvres locataires qui n’ont même pas l’eau sur le palier. Et la jeune fille, comme dans les vieilles chansons françaises, s’en va avec son broc à la fontaine quérir de l’eau.
Mais au milieu du désert, au cœur du paysage désolé, un coin de verdure apparaît. Dernier potager d’Aubervilliers où les derniers maraîchers soignent leurs légumes, avec les gestes mêmes du passé. Et puis s’en vont aux Halles, tranquillement, avec leur voiture et leur cheval, comme en 1830, comme on faisait avant.
En regardant le fakir, l’astrologue qui tire l’horoscope en plein air, on pense à l’ancien maire d’Aubervilliers qui lui aussi prédisait l’avenir et promettait monts et merveilles à ses administrés. Monts et merveilles. Maisons modernes, marchés couverts, logements clairs et bon marché, eau courante, école modèle, terrains de sports, jardins d’enfants. Jardins d’enfants…
A lire également :
- Une analyse du documentaire : "Un double regard sur la misère : Aubervilliers d’Eli Lotar et Jacques Prévert", de Erwan Cadoret (ici)
- Le texte "Banlieue" dans "La ville au cinéma" (Encyclopédie sous la direction de Thierry Jousse et Thierry Paquot)
Lire aussi nos précédents billets sur la ville dans les romans ou les films :
- Un cube vide dans un cube de marbre (sur la Grande Arche de La Défense)
- Freinville, le Canal de l'Ourcq et Modiano
- La compétitivité des trottoirs
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