Vivre avec la crise : prendre en compte les dépendances entre les acteurs
A lire une stimulante contribution de la Coopérative Acadie (Daniel Behar , Sacha Czertok, Xavier Desjardins, Philippe Estebe, Mathilde Marchand, Jules Peter Jan, Martin Vanier) sur le site Terra Nova : “Vivre avec la crise : quels enseignements pour les politiques territoriales ?”.
Extraits :
La production de ces services met toujours en jeu une chaîne complexe, et parfois longue d’acteurs, où, dans la plupart des cas, on trouve des services et des agences de l’Etat, des entreprises publiques et privées, et la plupart des échelons de collectivités territoriales. D’où l’intérêt de penser la question des services dans le registre de la finalité plutôt que celui du statut et de son affectation à tel ou tel échelon, et de réfléchir non plus en termes de spécialisation et de monopole de compétence mais en termes de capacité contributive de chaque acteur institutionnel ou privé à la production des biens et services collectifs.
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Dans ces chaînes de production et de valeurs s’imbriquent au moins deux registres fonctionnels : celui de la capacité technique à maintenir les prestations collectives ; celui de la capacité technique à maintenir les prestations collectives ; celui de la capacité à tenir une parole politique et à assurer les médiations nécessaires avec les autres échelons et avec les acteurs sociaux et économiques.
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Accueillir ne signifie pas seulement subventionner ou accorder quelque licence, mais intégrer à titre provisoire ou durable ces initiatives ou innovations de crise dans les chaînes de production des politiques publiques. Le secteur privé est depuis longtemps un acteur majeur des politiques publiques : éducation, santé, action sociale, justice, culture et même agriculture ; la plupart des services collectifs sont exercés par des entreprises privées dans le cadre de concessions ; les entreprises de bâtiment et de travaux publics sont des partenaires de l’investissement public. Le public et le privé sont aussi imbriqués que les différents échelons politico-administratifs.
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L’économie peut être grossièrement divisée en trois sphères selon leur mode de relation avec les acteurs locaux : l’économie « locale », celle du care et des circuits courts à recréer ; l’économie des services en réseau nécessaires au fonctionnement territorial (transport, déchet, eau, etc.) enfin, l’ « économie-monde » (pour reprendre la formule de Braudel).
A chacune correspond un mode de relation : le soutien pour la première, la régie ou l’encadrement par des concessions ou des contrats pour la seconde, enfin la présentation de ses plus beaux atours pour attirer la troisième (qualité des infrastructures et de l’éducation, locaux d’activités, etc.) sans interventions autres que normatives sur les chaines de valeur. Les pénuries de médicaments, de masques ou encore de respirateurs, et surtout l’incapacité locale à produire ces biens remettent fortement en question cette approche en trois sphères du monde productif. Comment, au-delà des cahiers des charges de concessions et des appels d’offre, aller vers une véritable coproduction et s’appuyer sur les capacités d’adaptation et d’innovation qui peuvent surgir en période de crise ? Comment donner des prises locales face à l’économie-monde ? Une piste réside peut-être dans l’introduction de la notion de biens communs (ou de communs) dans les politiques publiques territoriales, comme cela est le cas dans certaines cultures de gestion publique.
Même si le mot n’est pas employé, il nous semble que ce que les auteurs mettent très bien en évidence est la nécessité de gouverner des écosystèmes urbains. Nous y reviendrons très prochainement.