Ville durable cherche modèle économique
Malgré l’abondante littérature existant sur la “ville durable”, force est de constater que la question du modèle économique est rarement abordée. Elle est pourtant déterminante.
Extrait de l’article paru dans le dernier numéro de la revue Etudes foncières
Cette triple mutation des processus de production de la ville soulève de nombreux enjeux. De nouvelles formes de gouvernance sont ainsi nécessaires. Mais surtout, elle induit de nouvelles réponses à la question « qui paye quoi ? », qui est essentielle, non seulement sur le financement de la production urbaine mais aussi pour penser l’équité territoriale. Le principal enjeu, c’est d’éviter le risque d’une ville à deux vitesses. Ce risque est, bien-sûr, inhérent à une certaine financiarisation de la ville – cf. la géographie sélective des investisseurs, non seulement entre les villes mais au sein des villes elles-mêmes. Mais – paradoxalement – ce risque découle aussi de la « ville durable ». Nous prendrons deux exemples.
Le premier exemple, c’est celui du financement des logements sociaux, tel qu’il s’effectue depuis la loi Solidarité et renouvellement urbain (dont le nom indique bien l’ambition d’œuvrer pour une certaine vision de la ville durable), les aménageurs demandent de plus en plus aux promoteurs d’intégrer des logements sociaux dans leurs programmes de logements. (…) Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs (si ce point n’est pas pris en compte par la collectivité locale), la péréquation s’exerce au niveau de la seule opération d’aménagement. Et ce, alors que cette nécessaire solidarité pourrait légitimement être mise en œuvre par une population plus large socialement (sans se limiter aux acquéreurs de logements neufs) et géographiquement (sans se limiter à cette opération d’aménagement). Au-delà de la question politique (à quelle échelle la solidarité nationale doit-elle s’exercer ?), ce phénomène conduit donc à majorer le prix des logements neufs, et rentre ainsi en contradiction avec la volonté du gouvernement de favoriser l’accès à la propriété au plus grand nombre.
Les circuits courts constituent un deuxième exemple. Promus par le développement durable, ils peuvent bousculer les pratiques et les certitudes en matière d’équité territoriale. (…)
I. Baraud-Serfaty, “Ville durable cherche modèle économique”
Etudes foncières – n°149 – Janvier-février 2011