Vers la fin du monde mondialisé ? ou le retour de la géographie
Le 1 publie cette semaine un passionnant numéro sur la mondialisation.
A lire, entre autres, la tribune d’Erik Orsenna. Extraits :
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Avant la mondialisation, dans un temps non ou dé-mondialisé, c’était donc mieux, simple et maîtrisé ? Bien sûr que non. Ce n’était pas mieux car beaucoup perdaient. Ce n’était pas si local mais au contraire très imbriqué avec les routes multiples du capitalisme. Amsterdam, Gênes, Venise.
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A mes yeux, le mot démondialisation est le résumé du non-dit. Il traduit une vision ancienne des modes de production. Pourquoi cette tentation aujourd’hui ? J’y vois du déni et de la paresse face à la mondialisation. Déni des gens qui perdent. Paresse d’aller voir ce qu’on gagne. On veut du simple, même si c’est faux. On préfère ce qui est faux à ce qui est complexe. Le complexe, on ne veut pas le comprendre.
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La revendication légitime consiste à localiser les lieux de production. Si on dispose de cet élément de traçabilité, les circuits de distribution vont très logiquement se raccourcir. Que je mange des pommes chinoises en Bretagne et en Normandie, cela me choque. Elles sont moins chères ? Ça dépend de ce que l’on met dans le prix ! Le moins-disant, c’est le moins-racontant. Plus on raconte, plus on va vers la vérité.
Je crois que nous allons vers le raccourcissement. La prise de conscience dans le domaine de l’environnement a eu lieu. On est obligé. Et on est plus intelligent quand on est obligé. Voyez les conséquences des alertes rouges à la pollution maximum à Pékin. Désormais, plus aucun fonds d’investissement de long terme ne s’oriente vers le charbon. Ce serait une position intenable. La prise de conscience est là, dans l’entreprise. C’est la demande et c’est le business. C’est aussi un apport d’Internet. Les gens veulent que les produits racontent leur histoire. Qu’on ne soit plus dans l’opacité.
Alors, démondialisation ? L’eau dit la vérité. Elle n’est pas transportable. Elle pose la bonne question pour savoir quel est l’espace pertinent de la collaboration. Réponse : le bassin. La solution est dictée par la géographie. La gestion commune du fleuve Sénégal est nécessaire. Qui peut penser que le Sénégal peut être le seul à gérer son fleuve, sans le Mali, la Guinée et la Mauritanie. Je crois plutôt qu’on assiste à un retour de la géographie.
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Dans ce même numéro du 1 il faut également lire – toujours entre autres – l’article de Patrick Artus :
Nous allons développer la thèse suivante : à la démondialisation de la production des biens s’opposent la mondialisation des services, en particulier des services numériques, et la mondialisation financière. Cette nouvelle mondialisation est probablement aussi menaçante que la mondialisation des biens : à la place de la délocalisation de la production industrielle, il y a délocalisation du contrôle des données, du contrôle capitalistique des entreprises, et déplacement de montants considérables de capitaux.
Source : Vers la fin du monde mondialidé ? Le 1. Numéro 136 – 4 janvier 2017 (ici).
Voir aussi nos précédents billets :
– La tribune de Bruno Latour (“derrière la critique de la mondialisation, il y a quelque chose comme un immense désir d’atterrissage”) : ici
– Un extrait d’un précédent numéro du 1 sur Facebook : ici
– Une intervention d’Erik Orsenna pour Télérama : ici
– Trois billets sur la financiarisation de la ville : ici (revue Collages), ici (Dominique Lorrain) et ici (Ludovic Halbert).