Un atlas des systèmes racinaires
Il arrive que Linkedin permette de bien jolies découvertes. C’est le cas avec ce post qui fait de son auteur, V. Dujardin, un presque aptonyme (même si tous les jardins n’ont pas d’arbres et tous les arbres ne sont pas dans des jardins) et qui nous renvoie à l’Atlas des systèmes racinaires.
Extrait de l’article qu’a consacré Le Monde à cet atlas en 2021, dans un article de Florence Rosier (décidémment) du 31 mai 2021, “Un atlas des systèmes racinaires sauvé de l’oubli et accessible en ligne” :
C’est un trésor qui dormait, tapi dans un institut de botanique en Autriche. A Klagenfurt, précisément, au bord du lac Wörthersee. Par chance, à l’automne 2006, il a été redécouvert par un chercheur néerlandais, Klaas Metselaar, spécialiste de la physique des sols. Qui décide, ébloui, de le rendre accessible à tous. Mêlant art et science, ce trésor rassemble une collection exceptionnelle. Il réunit 1 002 dessins à l’encre qui, d’une plume savante et inspirée, dépeignent les systèmes d’enracinement de plantes d’Europe centrale, de Mongolie, de Namibie… Pour l’œil, une merveille. Pour la science, une anthologie où puiser.
Ce joyau est le fruit de quarante années d’une quête assidue, quasi obsessionnelle, commencée dans les années 1960. Quatre décennies d’excavation d’espèces de toutes sortes : plantes cultivées ou mauvaises herbes, de prairies, de forêts, de zones marécageuses ; des arbustes alpins, des orchidées sauvages, etc. Une variété d’autant plus admirable que cette collection est le fruit du travail de seulement quatre chercheurs. L’instigatrice de ce recueil, Lore Kutschera (1917-2008), était une naturaliste autrichienne passionnée. « Elle est une de mes héroïnes, confie Klaas Metselaar. Quand je l’ai rencontrée, elle avait près de 90 ans. Elle m’a emmené, avec un collègue, en haut d’une montagne : c’est là qu’elle s’asseyait pour décrire les racines de cet atlas, en contemplant la vallée. » Une marque de liberté académique.
« Quand j’ai découvert cet atlas, j’ai eu le souffle coupé, poursuit le chercheur. Les dessins originaux m’ont émerveillé, plus encore quand j’ai réalisé le travail qu’ils ont représenté. » Les auteurs ont dû laborieusement dégager chaque bout de racine, s’assurer qu’il n’allait pas casser, remonter jusqu’à sa base. Puis redescendre pour dégager l’ensemble du système. Et enfin, le dessiner. (…)
Cette collection, comme son équivalent américain, œuvre du botaniste John E. Weaver (1884-1966), est une mine colossale d’informations que Klaas Metselaar va sortir de l’oubli. Il a d’abord fallu la scanner, à Vienne. Numérisée, elle est désormais hébergée sur le site de l’université de Wageningen. Et séduit bien au-delà du cercle des initiés. En janvier dernier, le Washington Post lui a consacré un bref article. Résultat : en un week-end, elle a reçu plus de 50 000 visites.
Cet atlas des racines est « une référence, un travail phénoménal. Mais, aujourd’hui, ce type d’approche naturaliste, fondamentale, ne pourrait plus se faire », faute de moyens et de temps, observe Mark Bakker, de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), à Bordeaux. Reste à déterminer sa valeur scientifique. Première limite : ces dessins ne donnent qu’une idée partielle de la structure en 3D du système. Et puis, « c’est un travail très extensif mais descriptif. Il n’y a pas vraiment de question scientifique derrière », estime Frédéric Danjon, de l’Inrae à Bordeaux. « Cet atlas informe peu sur l’immense plasticité des systèmes racinaires, en regard de l’énorme diversité des sols. » La typologie puis la quantification de l’architecture végétale sont nées au début des années 1970, notamment sous l’impulsion de Francis Hallé, à Montpellier”.
Source : Kutschera, L.; Lichtenegger, E.; Sobotik, M., Würzelatlas der Kulturpflanzen gemässigter Gebiete mit Arten des Feldgemüsebaues. – Frankfurt am Main : DLG-Verlag, 2009
L’occasion aussi de se replonger dans Le monde sur une feuille :
Et de ré-écouter Marc-André Selosse, professeur au Muséum d’histoire naturelle, sur France Culture, dans La méthode scientifique du 12 mai 2022, expliquer ce qui fut le deuxième déclic de sa vocation :
« Le deuxième c’est le déclic de l’enseignement ou de la narration. Raconter, non pas pour photocopier dans la tête des autres une image du monde. Mais pour se mettre à la place de celui que l’on a en face. Comment ça marche, ce que ça veut dire, ce que ça implique, vraiment l’idée de pousser les gens à changer de point de vue sur les choses et non pas forcément d’aller épouser le mien. La vulgarisation, ce n’est pas photocopier son cerveau dans la tête des autres, c’est proposer aux autres des moyens de bouger dans leur conception du monde, leur vision du monde ».
(A la 19ème minute et 40ème seconde. Surlignage ibicity).