Quel business model pour la smart-city ? Telle était la question posée par les Associations d’Anciens Elèves X-Ponts Pierre, Mines Aménagement construction et l’Institut G9+.

Ci-dessous le lien vers la vidéo de la table-ronde à laquelle nous participions aux côtés de Gabrielle Gauthey (Caisse des Dépôts), Emmanuel François (Smart Building Alliance), Norbert Friant (Rennes Métropole), Jean-François Penciocelli (GFI Informatique), animée par Philippe Baudoin (IDATE).


Vidéo consultable ici.

L’occasion également de relire la tribune “La smart-city, à quel prix ?”, que nous avons publiée dans la Gazette des Communes le 6 novembre dernier, pour annoncer l’évènement : ici, ou texte ci-dessous (co-écrite avec Clément Fourchy et Nicolas Rio, nos complices du site www.modeleseconomiquesurbains.com).

La smart-city, à quel prix ?

Il y a deux manières de définir la « smart-city ». Ou bien, on l’aborde sous un angle principalement technologique, en considérant que c’est une collectivité qui se dote d’infrastructures numériques lui permettant d’optimiser son fonctionnement. Il y aurait alors « retour sur investissement » de la ville intelligente si les gains financiers qu’elle permet couvrent les dépenses engagées. Ou bien, on considère que la ville intelligente est la ville saisie par la révolution numérique, entendue comme une révolution radicale du fonctionnement de l’économie, et de ce fait toute ville est « intelligente ». Avec des incidences majeures sur son modèle économique, et le « prix », sous forme d’impôt ou de tarif, que paye l’habitant-usager.

Car, désormais, l’habitant-usager change de rôle. Il n’est plus seulement consommateur mais devient aussi producteur, d’énergie, de places libres dans sa voiture ou son logement, d’informations, traduisant l’émergence de la « multitude ». C’est aussi un habitant-usager qui peut être dorénavant saisi « sur mesure », en fonction de son usage et de ses caractéristiques propres (âge, revenu, comportements, revenus, dépenses…), et en « temps réel » : le mécanisme de l’effacement, qu’on trouve dans le secteur de l’énergie et qui permet d’écrêter les pics de consommation, s’applique de plus en plus à l’ensemble des flux de la ville.

Ceci a des conséquences majeures sur l’offre de services urbains que les collectivités doivent offrir à leurs « administrés ». Le périmètre du service urbain s’élargit. Par exemple, l’offre de mobilité n’intègre plus seulement ce qu’on appelle encore traditionnellement le transport public, mais doit intégrer les systèmes de VTC, de covoiturage, de vélos partagés (en BtoC ou CtoC), et aussi prévoir des stations de covoiturage et des bornes de recharge électrique. Ce glissement serviciel permet assurément une nouvelle efficience urbaine, en permettant l’adéquation en temps réel entre l’offre et la demande de services urbains, soit en allant mobiliser les actifs sous-utilisés de la multitude, soit en lissant les pics d’usage. Mais il pose des défis inédits aux collectivités locales.

Alors que traditionnellement les collectivités avaient le monopole de la production des services urbains (y compris via des délégations de services publics), de nouveaux acteurs (startups, plateformes) s’invitent dans la production du service urbain, et leur capacité à être au plus près de l’usager leur permet de capter l’essentiel de la valeur créée. Ceci menace le financement des fonctions aujourd’hui assurées par les infrastructures traditionnelles, notamment continuité et péréquation. Ceci pose également la question de la manière dont les collectivités locales peuvent continuer à maîtriser l’organisation du service urbain.

Surtout, à l’heure de la multitude et de la capacité à facturer finement selon l’usage et l’usager, en temps réel, les collectivités n’ont jamais eu un tel éventail de choix dans la fixation du « prix » de leurs services urbains. Mais ce choix peut être une boîte de Pandore. Faut-il rémunérer la capacité des automobilistes à « s’effacer », c’est-à-dire à différer leur déplacement à une heure moins embouteillée, mais au risque de créer un clivage entre ceux qui ont le choix de l’heure de leur déplacement et les autres ? Faut-il privilégier une tarification sur un modèle « freemium », avec un service de base « gratuit » pour tous les usagers, payée par des services plus performants pour ceux qui sont prêts à les payer ? Faut-il récompenser les comportements « vertueux » par des bons cadeaux ou des réductions tarifaires ? Faut-il facturer le service en fonction de son utilisation précise (par exemple une cantine scolaire payée en fonction du nombre exact de repas pris, voire des quantités consommées), pour permettre à l’usager de ne payer que ce qu’il consomme, au risque d’en oublier la dimension collective ?

Ces questions ne se limitent pas à des considérations technico-financières. Leurs impacts économiques et sociaux sous-tendent une vision politique de la ville.

 

Merci à Bernard Soulez, orchestrateur de l’évènement, pour son organisation hors pair.