Bataille des terrasses : êtes-vous “Sidewalk-happy” ?
Dans la série “Les grandes batailles des trottoirs”, on peut désormais visionner l’épisode “la bataille des terrasses” !
Rappel de quelques épisodes précédents :
1862 : Honoré Daumier caricature dans ses gravures « l’affreux macadam » inventé par l’Écossais McAdam
1882 : l’architecte Jules Brunfaut dénonce l’encombrement des trottoirs par les candélabres à gaz, les boutiquiers, les « voitures à bras » et les « petites carrioles traînées ou poussées à la main par la mère ou par la bonne, renfermant des enfants » (les poussettes viennent de faire leur apparition !)
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2011 : la ville d’Avignon vote la « taxe trottoir », dite aussi « taxe kebab », et suscite de vifs débats
2017 : les villes de Bordeaux, Lyon et Nantes se rebiffent contre les publicités sur les trottoirs que l’État s’apprête à autoriser
2018 : l’aventure des vélos « flottants » tourne au fiasco
2019 : Paris bannit les trottinettes électriques des trottoirs.
2020 (premier confinement) : les habitants des grandes villes du monde demandent qu’on élargisse les trottoirs (cf. “le trottoir au temps du coronavirus“).
On peut désormais rajouter : « 2021 : bataille des terrasses à Paris ». Elle est décrite par Denis Cosnard dans le Monde daté du dimanche 19 septembre 2021. Un article qui puise aux meilleures sources !! (merci à l’auteur de faire référence au chapitre que nous avons écrit dans le livre “La Beauté d’une ville” édité à l’occasion de l’exposition au Pavillon de l’Arsenal).
Extraits :
Au départ, ce n’était qu’une mesure transitoire. Un coup de pouce accordé aux restaurateurs, en pleine crise sanitaire. « Au printemps 2020, on a mis en place un système très simple, relate Olivia Polski, l’adjointe chargée du commerce. Une déclaration assortie d’une dizaine d’engagements suffisait pour étendre sa terrasse ou en ouvrir une. Cela a été un vrai succès pour les commerçants comme pour les Parisiens. » Alors que la capitale comptait environ 12 000 terrasses avant le Covid-19, la Mairie reçoit alors un nombre équivalent de déclarations pour développer celles qui existaient ou en créer de nouvelles.
Tout a changé depuis le 1er juillet. Fini, le dispositif ultra-souple de la déclaration. Désormais, cafés et restaurants doivent demander un feu vert formel avant de créer ou d’étendre une terrasse, soit durant sept mois de l’année, soit, pour certaines, toute l’année.
En échange, les professionnels ont obtenu que les autorisations deviennent durables. Leur validité officielle est certes d’un an seulement, mais, si l’administration ne dit rien, elles sont reconduites d’une année sur l’autre. Plus aucun lien n’est établi avec le Covid-19. Autant dire que les terrasses qui ont poussé comme des champignons dans toute la ville et semblaient vouées à disparaître sont là pour longtemps. Ephémères et éternelles en même temps.
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« On ne s’en rend pas bien compte, parce que c’est diffus, mais la pérennisation des terrasses constitue un des plus grands changements en matière d’urbanisme depuis des années, commente Nicolas (qui n’a pas souhaité donner son nom), un Parisien qui a passé au crible les demandes d’autorisation et partage ses analyses sur le compte Twitter @Terrasses_75. Au total, les demandes représentent déjà 140 000 mètres carrés ! La surface des terrasses à Paris pourrait ainsi presque doubler… et les nuisances aussi. »
Si la vague est aussi massive, c’est que plusieurs phénomènes se rejoignent. D’une part, la volonté des petits commerçants de surmonter la crise liée à la pandémie grâce aux terrasses, alors que consommer à l’intérieur fait toujours peur à certains clients.
D’autre part, une lente mais profonde évolution des pratiques des habitants. Coincés dans des appartements qui tendent à rétrécir, ils utilisent davantage la rue comme un prolongement de leur domicile. « L’espace public se “méditerranéise” », constate la consultante en économie urbaine Isabelle Baraud-Serfaty dans l’ouvrage collectif La Beauté d’une ville (Pavillon de l’Arsenal, 576 pages, 39 euros). Le réchauffement climatique ne peut qu’encourager le mouvement.
Enfin, les demandes des cafetiers arrivent au moment précis où Anne Hidalgo et ses alliés écologistes veulent rééquilibrer l’usage de l’espace public au profit des piétons et des cyclistes, et au détriment des voitures. Avant même la pandémie, les élus souhaitaient supprimer 70 000 places de stationnement en surface, soit une sur deux, notamment pour élargir les trottoirs et végétaliser les rues.
« Nous espérions bien en profiter », indique M. Vidal, le représentant des cafetiers. Rien n’était pourtant acquis. Car les bistrots ne sont pas les seuls à vouloir plus d’espace.
« Le trottoir et les places de stationnement constituent un lieu physiquement limité qui fait l’objet d’une concurrence accrue », décrypte Isabelle Baraud-Serfaty. Les commerçants l’utilisent comme une salle d’attente et un lieu de « click and collect ». Les plates-formes de commerce électronique en font un quai de déchargement pour leurs livraisons. Les usagers des vélos et de trottinettes en libre-service y laissent parfois leurs engins. Des bornes de recharge électrique y fleurissent…
Mais, au bout du compte, les cafés et les restaurants pourraient se révéler les grands gagnants de cette compétition pour les mètres carrés de trottoir, du moins à Paris. Avec le Covid-19, ils ont récupéré en un an une surface qu’ils n’auraient jamais pu obtenir sans cela.
Pour aller plus loin sur ces sujets, vous pouvez cliquer sur le hashtag #trottoir de ce blog… en attendant la sortie, dans le prochain numéro de la revue Esprit, de notre article “Gouverner le trottoir”.
NB : décidément le trottoir est plein de surprises. Nous venons de découvrir l’expression “sidewalk-happy” !!! Dans une citation de Frank Lloyd Wright himself !!!
Et vous, êtes-vous “sidewalk-happy” ??