Mardi 28 mars dernier se tenait donc la deuxième audition du Grand débat sur la fabrique de la ville, où nous étions invitée à intervenir pour "ouvrir le capot de la fabrique urbaine".
"Interrogée par le comité citoyen tiers-garant du Grand débat « Fabrique de nos villes. Ensemble, inventons la vie de demain », l’économiste Isabelle Baraud-Serfaty a expliqué avec pédagogie les aspects économiques de la fabrique de la ville, ainsi que les enjeux sociétaux et arbitrages politiques qui en découlent nécessairement.
La deuxième audition du cycle organisé dans le cadre du Grand débat « Fabrique de nos villes. Ensemble, inventons la vie de demain », s’est tenue le 28 mars 2023, à l’école d’architecture située sur l’Île de Nantes. Le but de ces auditions ? apporter des éclairages sur des enjeux particuliers du Grand débat, en questionnant des experts, chercheurs, et praticiens.
Interrogée par le comité citoyen tiers-garant du débat et par le public, Isabelle Baraud-Serfaty, économiste de l’urbain, a questionné les nouvelles manières de construire la ville, dans un contexte de profondes transformations écologiques, politiques et sociétales".
Suite à lire sur le site du Grand débat.
En substance, j'ai introduit mon intervention de la manière suivante :
"Je vous avoue que je suis intimidée, car c’est un exercice nouveau pour moi. D’habitude je parle plutôt avec des professionnels ou des étudiants. Mais je suis ravie de faire cette intervention, car je crois qu’elle témoigne d’une rupture dans la manière de faire la ville. Cette rupture, c’est une forme de "politisation" de la fabrique de la ville, au sens noble du terme. Avant la ville se fabriquait entre sachants, dans une approche plutôt verticale, et aujourd’hui, il s’agit de fabriquer la ville beaucoup plus collectivement. Il y a une formule de Bruno Latour qui exprime ce que je vais chercher à faire : « la politique ce n’est pas la révolution, c’est l’explicitation ».
Pourquoi cette politisation de la fabrique urbaine ? Trois éléments sont en jeu.
Premier élément : période de profonds changements. Les transitions se combinent. Cela pose la question du comment, mais plus encore la question du pourquoi. Il y a 5 ans je n’aurais pas fait cette intervention de la même manière. D’abord je n’aurais pas été invitée à la faire. Mais également, on me demande d’ « ouvrir le capot », et je vais notamment ouvrir la boîte noire des bilans d’aménagement, mais la question que je me pose est : est-ce que j’ouvre le bon capot ?
Deuxième élément : période de conflictualité. Particulièrement exacerbée aujourd’hui (28 mars 2023), cette conflictualité est latente dans le contexte de multiples changements. Il y a besoin de lieux de dialogues, comme celui-ci. L’urbanisme, c’est l’art de faire les villes, mais c’est moins l’art de construire que l’art du partage des espaces (Nicolas Detrie) et plus largement l’art du partage des ressources. Quand ces ressources diminuent, les tensions s’accroissent.
Troisième élément : période d’arbitrages. Par exemple choix entre faire plus de logement abordable ou faire plus de renaturation. Ces arbitrages, ces choix, ils doivent être discutés en amont. Voir par exemple le prochain livre d’Alexandre Monin : Politiser le renoncement.
Donc dans un premier temps, je vais tenter d’ouvrir le capot de la fabrique urbaine, en zoomant notamment sur la manière dont on construit un bilan d’aménagement, puis je montrerai pourquoi il faut penser "en dehors de la boîte" ("out of the box"), en même temps qu'on l'ouvre.
Vidéo directement sur youtube : ici.
Le support de mon intervention est disponible sur l'espace ibi club (mot de passe disponible sur demande).
Ce 28 mars 2023 était aussi la dixième journée de manifestation contre les retraites. L'ambiance "animée" des rues de Nantes traversées avant de me rendre à l'Ecole d'architecture sur l'Ile de Nantes donnait un caractère particulier à mon intervention. Elle souligne l'importance de lieux de débats permettant l'expression de points de vue différents pour dépasser une conflictualité de plus en plus forte. (comme un "safe space", en quelque sorte, ainsi que la serveuse du café-restaurant Le Louis Blanc, au débouché du Pont Haudaudine, me décrivait son établissement, "un repère du quartier depuis plus de deux cent ans").
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