Repenser l’économie du logement
A lire : un stimulant point de vue d’André Yché, président du directoire du groupe SNI.
Extraits (c’est nous qui soulignons) :
L’économie du logement est le fidèle reflet de la société. D’abord, elle est le reflet de la démographie : le vieillissement de la population et le phénomène de métropolisation sont des déterminants essentiels de l’évolution sociale. Le premier en ce qu’il influence la courbe du cycle de vie avec l’accumulation de patrimoine entre 30 et 60 ans, puis sa « désaccumulation ». Le second en ce qu’il commande l’équilibre des marchés fonciers dans nos grandes villes. La portée réelle des évolutions résultant de ces phénomènes doit être appréciée à la lumière de la mutation progressive de l’emploi dans nos sociétés postindustrielles.
L’économie du logement en France reste encore fondée sur un modèle d’emploi caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle : 20 % d’emplois publics, 60 % d’emplois salariés privés, 15 % de professions indépendantes, le taux de chômage étant contenu autour de 5 %. S’agissant de location comme d’accession, le modèle est linéaire : le revenu du locataire, comme celui qui accède à la propriété, est supposé croître modérément et progressivement, sans fluctuation significative.
Dans ce cadre que l’on peut qualifier de traditionnel, pour les classes moyennes et à partir de l’âge de 50 ans, le logement constitue un actif patrimonial destiné à la transmission de génération en génération, en dehors de toute perspective de transaction marchande. Ce modèle perd du terrain. Une part croissante de la population active est en train de sortir du salariat : autoentrepreneurs, travailleurs intermittents, polyactifs… sont autant de statuts qui se développent rapidement. La linéarité des revenus est de moins en moins assurée.
Cette évolution bouleverse le modèle économique de l’immobilier résidentiel : il s’agit désormais d’inscrire ce modèle dans la théorie du « revenu permanent » telle que l’a énoncée Friedman en favorisant la possibilité de revenir sur ses choix patrimoniaux et la fongibilité des patrimoines. Toute démarche d’accession à la propriété doit pouvoir être modulée, voire interrompue. A cette fin, la SNI teste un dispositif d’accession à la propriété réversible, garantissant à son client le rachat de son bien et son relogement pendant huit ans.
S’agissant du logement social, sur 18 milliards d’euros de loyers annuels collectés par le secteur HLM, plus du tiers provient d’une source unique : l’aide personnalisée au logement (APL) qui solvabilise une proportion croissante des locataires, dont les revenus sont affectés par la crise et le chômage. Il en résulte que le financement du logement social ne peut plus être pensé indépendamment de l’accès à l’emploi. Pour cette raison, le groupe SNI conduit une expérimentation consistant à installer des antennes de l’Association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) dans quatorze de ses résidences, pour améliorer l’offre en « circuit court » d’accès à la qualification professionnelle, condition essentielle d’employabilité.
Enfin, le financement de la retraite et de la dépendance, conjugué aux contraintes croissantes pesant sur les finances locales, conduit naturellement à rechercher des formules de mobilisation des patrimoines privés moins brutales et moins traumatisantes que le schéma du viager classique. Des mécanismes inspirés de l’« hypothèque rechargeable » sont des solutions qui méritent d’être regardées attentivement.
Les mutations économiques et sociales qui affectent la société conduisent à revisiter de fond en comble les fonctions du logement, notamment sur les territoires des grandes métropoles où se concentrent la création de richesse et le besoin de mobilité. Les actifs résidentiels, à côté de leur rôle historique en termes de transmission entre générations, se voient conférer une fonction majeure de réserve de valeur dans un cycle de vie dont le déroulement risque de s’avérer beaucoup moins linéaire que dans le passé.
Source : Logement : il est temps de changer de siècle – André Yché – Les Echos – 15 avril 2016
A lire également nos précédents billets :
– L’aménagement opérationnel au service du logement
– La propriété temporaire au service du logement abordable
– De la crise du logement au défi de la ville