Qui seront les opérateurs du rez-de-ville ?
« Rez-de-ville » = rez-de-chaussée + trottoir + bande de stationnement ! Ce « rez-de-ville », selon la terminologie travaillée notamment par David Mangin, émerge comme une problématique en soi, car se situant au carrefour de deux évolutions.
Une première évolution est liée à l’enjeu d’animation des rez-de-chaussée et de l’espace public qui les borde. Ceux-ci apparaissent comme un nouveau « commun urbain », en lien notamment avec la ville de la proximité ou « du quart d’heure ». La question est alors d’arriver à rendre possibles des usages « mixtes » de ces RDC, qui leur permettent d’accueillir des programmes non « rentables » ou qui ne peuvent pas supporter des prix de marché. Une première piste réside dans les foncières solidaires de rez-de-chaussée (on peut citer par exemple : Soco, avec Altarea, Crédit Coopératif, Baluchon ; Foncière Bellevilles ; Base commune avec Plateau Urbain et Le Sens de la ville). Une deuxième piste repose sur l’idée d’un quota de locaux à réserver au prix des charges (cf. tribune dans Le Monde d’un certain nombre de professionnels de l’immobilier appelant à réserver 20 % des locaux d’activités économiques du territoire au prix des charges, pour accueillir des activités solidaires et de transition)).
Une deuxième évolution qui explique l’importance du rez-de-ville est la prise de conscience du gisement foncier que constituent le trottoir et la bande de stationnement en tant que ressource rare permettant d’accueillir de nouvelles occupations liées à la transition écologique (fontaines rafraichissantes, arbres, bornes de recharge, etc.), à la ville résiliente (tentes covid, salle d’attentes des commerces, terrasses-extensions des commerces…), lesquelles sont en concurrence avec les nouvelles occupations liées aux micro-mobilités, ou à la logistique urbaine, et soulèvent des questions d’esthétique urbaine (cf. l’idée d’une nouvelle métrique de 10 m2 d’occupation de l’espace public), alors même que cette question d’esthétique est une des priorités d’Emmanuel Grégoire (cf. son manifeste à paraître en mars sur la beauté de Paris). (Sur ce sujet du trottoir comme gisement foncier : voir notre article “Gouverner le trottoir” dans la Revue Esprit ou nos travaux sur “la valeur du trottoir” pour le Grand Lyon).
Zoomer sur le rez-de-ville suppose d’aborder une nouvelle pratique qui bouscule son occupation : la logistique urbaine ! Désormais, l’immobilier logistique devient de plus en plus urbain, petit et banalisé (Cf. notamment les « darkstores » dont la taille moyenne est comprise entre 250 et 400 m2) et brouille de plus en plus ce qui relève de l’immobilier (intérieur et privé, en général) et de l’espace public (extérieur et public, en général). Voir par exemple la tribune d’Emmanuel Grégoire de décembre dans le JDD sur les darkstores.
Cette question des darkstores doit évidemment interpeller les collectivités. On assiste actuellement à une éviction de certains commerces (type fleuristes, petits commerces) du fait que les opérateurs de “quick commerce”, selon les 3 lois de l’économie numérique (et notamment la loi du “winners take it all), ont intérêt à acquérir une position dominante et que, dans la “lutte des places”, il est plus facile et pas plus cher de trouver 3 locaux de 250 à 400 m2 qu’un local de 1200 m2. Mais, de manière plus « prospective », et par analogie avec les vélos en free-floating, on peut formuler l’hypothèse que, dans un second temps, lorsque les opérateurs de quick commerce se consolideront ou que les pratiques de consommation évolueront, on assistera à des friches de darkstores, avec une déqualification des immeubles et du quartier alentour.
Ces réflexions sont au cœur de notre mission sur la logistique urbaine pour la Direction de la Prospective du Grand Lyon.
Alors ? Qui seront demain les opérateurs du rez-de-ville ? On se risque aussi à quelques hypothèses… plus ou moins désirables…
Et on vous dit pourquoi :
Et vous, qu’en pensez-vous ? Vous pouvez nous partager vos hypothèses par mail à ibicity@ibicity.fr.
A lire également :
– l’article de Jean Haëntjens dans Futuribles : “La logistique urbaine, clef du développement et du contrôle des villes“.
– l’étude de l’APUR sur les dark kitchens et stores : ici.