Monsieur le Maire, quel est votre modèle économique ?
A l’occasion du Salon des Maires, les Echos de ce jour publient la tribune que nous avons co-écrite avec Acadie (Nicolas Rio) et Espelia (Clément Fourchy, Guillaume Baumgartner, Anouk Exertier), les complices avec qui nous réalisons notre Etude sur les nouveaux modèles économiques urbains (étude financée par l’ADEME et l’Association des Maires de France, avec le soutien du PUCA).
On peut la lire ici ou ci-dessous. L’étude sur laquelle elle s’appuie s’inscrit dans le prolongement de l’article que nous avions publié il y un an dans Futuribles sur : “La ville restera-t-elle gratuite ?” (ici). Elle sera rendue publique d’ici la fin de l’année.
Quant au titre, s’il peut paraître un peu sexiste, il renvoie au fait que 16% seulement des maires sont des femmes !!
En complément de la tribune des Echos, on peut également lire notre interview dans Les Echos du 11 mai dernier, sur les nouveaux entrants de la fabrique urbaine (ici), ainsi que nos précédents billets sur les modèles économiques de la ville, notamment : Etaler les horaires des entreprises pour financer le transport ; Combien vaut un billet de train Paris-Lyon ? ; La ville effaçable et autres histoires d’économie urbaine
Cette tribune dans Les Echos nous a valu d’être invitée le soir même dans l’émission “On va plus loin” sur la chaîne Public Sénat pour débattre de la baisse des dotations de l’Etat avec Philippe Laurent, François Pupponi et Bruno Retaillau : ici.
Monsieur le Maire, quel est votre modèle économique ?
Une nouvelle fois en 2016, la baisse des dotations d’État promet d’être au cœur des débats lors du Salon des Maires. Ce sujet cristallise la situation délicate des collectivités du bloc communal, qui voient leurs ressources diminuer alors que les attentes vis-à-vis de l’action publique locale continuent d’augmenter. Sa formulation comporte toutefois plusieurs écueils. D’une part, elle risque d’enfermer le débat dans une négociation sans issue, la situation financière de l’État n’étant pas plus envieuse que celle des communes. D’autre part, elle conduit à considérer la baisse des ressources publiques comme une contrainte exogène et intangible. Or la crise des finances publiques locales n’est pas une fatalité ! Son dépassement dépendra notamment de la capacité des collectivités à renouveler, et à diversifier, leur modèle économique pour tirer parti des mutations à l’œuvre. Le terme de modèle économique ne doit pas induire en erreur. Il ne s’agit pas d’assimiler les collectivités territoriales à des entreprises en quête de profit, mais de souligner la diversité des « gisements de valeurs » potentiellement mobilisables pour financer l’action publique locale et l’ingénierie de captation de cette valeur qui doit être développée.
A l’image de nombreux autres secteurs de l’économie, le monde des services urbains connait de très fortes mutations. Dans plusieurs domaines, la puissance publique a ainsi perdu le monopole de la production des services urbains. Que ce soit pour les transports ou pour l’énergie, cette dernière a longtemps été le fournisseur exclusif des services collectifs, y compris lorsqu’elle en déléguait la mise en œuvre à un opérateur privé. Aujourd’hui, l’offre se démultiplie. Elle devient à la fois plus complète et plus complexe. Les services de mobilité ne se limitent plus aux infrastructures de transport. Ils intègrent aussi l’aide à la navigation en temps réel, l’insertion du co-voiturage dans la chaine de mobilité, l’enrichissement du temps passé dans les transports, etc. De même pour l’énergie où, avec l’émergence des smart grids, de plus en plus d’acteurs, historiquement consommateurs uniquement, deviennent également producteurs d’électricité.
Cette évolution provoque un brouillage de la frontière public-privé et des découpages sectoriels. Elle vient surtout bouleverser le rôle des collectivités et leur équilibre financier. Se retrouvant concurrencées par des initiatives privées, ces dernières deviennent des acteurs parmi d’autres dans la production des services urbains. Elles risquent dans certaines situations de se voir « ubérisées » par des acteurs prenant le contrôle de la donnée et de la relation à l’usager-citoyen. En l’absence d’anticipation et de régulation, cette mutation risque également de conduire à une situation dans laquelle la valeur produite par la collectivité se retrouve captée par d’autres opérateurs.
Ce contexte constitue aussi une opportunité pour repenser les modes de mise en œuvre et de valorisation de l’action publique locale. Pour cela les collectivités disposent d’un atout important en ce qu’elles combinent plusieurs registres d’intervention : une fonction de contrôle et de régulation en tant qu’autorité organisatrice des services, une fonction d’intervention en tant qu’opérateur des services publics et une fonction d’allocation des ressources en tant que collecteur et financeur.
Dans un monde en pleine transformation sous contraintes environnementales et financières, la conduite de cette réflexion est en tout cas une ardente obligation. À la fois pour continuer à financer la ville. Mais aussi parce que derrière cet enjeu de financement se cache un enjeu politique : les payeurs impactés par ces nouveaux modes de financement sont-ils bien en adéquation avec le projet politique dont le maire est porteur ?