L’urbanisme des villes saintes
L’effondrement d’une grue lors du pèlerinage de La Mecque, la semaine dernière, a été l’occasion de lire quelques descriptions sur le contexte urbain de ce pèlerinage, et invite à découvrir l’envers urbain de la religion.
Le Monde écrit ainsi que le hadj, le grand pèlerinage musulman de La Mecque, a « réuni 2 millions de personnes en 2015 » et rajoute :
« les chantiers d’élargissement des sites s’accompagnent de mégaprojets hôteliers. Cent vingt-sept gratte-ciel seront bientôt dressés au pied de la Grande Mosquée de la Mecque pour accueillir plus de 8 millions de visiteurs par an ».
Faute, malheureusement, d’être allé à La Mecque (1,5 millions d’habitants en 2012), on se contentera des descriptions, par ailleurs très critiques, qu’en fait Ziauddin Sardar, le Président de l’Institut Musulman de Londres, dans son « Histoire de la Mecque » (Payot, 2015) :
« Visuellement, on dirait l’amalgame de deux décors de cinéma : « Les mille et une nuits », d’une part, une saga de science-fiction d’autre part. Les minarets la disputent aux gratte-ciel ; tours et autoroutes font face à la Kaaba. Des monorails transportent les pèlerins de La Mecque à Médine. (…) Mais plongez donc en sous-sol : toute cette ultramodernité se dissout dans les égouts. La ville ne comporte aucun système moderne de traitement des eaux usées. (…) Naturellement, les effluents de la ville – à l’instar de son affluence – excèdent de très loin les capacités de son vétuste réseau. Le célèbre cimetière d’al-Muallâ, où sont inhumés nombre des membres de la famille royale du Prophète Mahomet, est noyé sous les eaux usées. Aux abords de la ville, celles-ci exsudent des maisons ».
En 1999, dans la revue Urbanisme, nous avions tenté de décrire le contexte urbain de Jérusalem, avec le postulat qu’à ne la considérer que « trois fois sainte » ou comme la « poudrière du Moyen-Orient », on oublie trop souvent que Jérusalem doit être administrée, gérée, aménagée, développée…. Comme n’importe quelle autre ville. Et, tout en sachant que chaque mot utilisé pour l’évoquer est lourd d’une opinion ou d’un jugement, nous avions essayé de porter un regard aussi impartial que possible sur le développement de cette ville (« Jérusalem : l’après-1967 », téléchargeable ici).
Mais, de fait, l’exercice est si délicat (par exemple, les constructions sur les hauteurs des collines sont-elles un héritage de la colonisation britannique ? Ou une manière de maîtriser les sources d’eau et de dominer physiquement les villages arabes ?) que nous appliquerions volontiers à Jérusalem la description que fait le romancier et poète musulman Ahmad Kamal, cité par Ziauddin Sardar, de La Mecque : ce n’est « pas tant un lieu géographique qu’un état d’esprit ».
En Inde, enfin, c’est à une autre approche urbaine que donne lieu le pèlerinage hindou de la Kumbh Mela, qui a conduit la « petite » ville de Nashik (3 millions d’habitants) à accueillir 30 millions de pèlerins en deux mois.
« La Kumbh Mela est devenue malgré elle un laboratoire d’urbanisme, où des innovations technologiques sont testées. L’Université du MIT, aux Etats-Unis, a organisé à Nashik des « camps de l’innovation », ou « Kumbhatons », pour repérer et mettre au point des technologies dans des domaines aussi variés que le suivi des épidémies, la mobilité, le contrôle des foules ou encore le logement »,
écrit le Monde, qui conclut :
« l’avenir de l’urbanisme en Inde se trouve peut-être dans le plus ancien et grand pèlerinage hindou au monde » !!
Sources :
– La Mecque et ses périls – Le Monde – 27-9-2015
– En Inde, le modèle des mégalopoles éphémères – Le Monde – 1-10-2015