Lorsque la ville devient comme un service

La revue Analyse financière consacre son numéro de l’été à la ville intelligente.

revue Analyse financière

Le dossier est particulièrement riche, comme le démontre la lecture du sommaire.

sommaire Analyse financière

Nous y publions une réflexion sur “la ville comme un service”, co-signée avec nos complices Clément Fourchy (Espelia) et Nicolas Rio (Acadie), avec qui nous réalisons une étude sur les nouveaux modèles économiques urbains.
Extraits :

La révolution numérique en cours saisit la ville, transformant à vive allure la manière dont on produit cette ville, dont on la gère et dont on la vit. Qu’il s’agisse de la mobilité, de l’immobilier, de l’énergie ou encore des déchets, ces secteurs témoignent que la ville fonctionne de plus en plus « comme un service » (« as a service »), c’est-à-dire d’une manière centrée sur l’usage et l’usager. Ce glissement serviciel de la ville, qui a déjà commencé, devrait s’amplifier.

La mobilité est certainement le secteur urbain le plus en avance sur les transformations en cours. On y retrouve les cinq caractéristiques du glissement serviciel. Déjà, le passage de la notion de transport à celle de mobilité (actée notamment avec le changement de nom de l’autorité organisatrice correspondante) traduisait le basculement d’une logique d’offre à une logique centrée sur l’usager : l’enjeu est moins celui d’organiser un déplacement de station à station que de permettre à chacun des trajets de porte à porte (caractéristique n°1 : usager-centré). Et dès 2000 aux Etats-Unis, la création de Zipcar témoignait que l’économie de la fonctionnalité a saisi la mobilité (caractéristique n°2 : usage-versus-propriété). Mais d’autres changements sont en cours. Le big data permet une différenciation accrue des services proposés en fonction des profils de consommation individuelle, créant une « individualisation de l’individu » (ou « customisation de masse ») (caractéristique n°3 : usager-sur-mesure). Désormais, également, la voiture individuelle partagée devient une nouvelle infrastructure de transport, traduisant l’émergence de la « multitude » : l’usager devient producteur (de places libres dans sa voiture et du service de conduite du véhicule) (caractéristique n°4 : usager-producteur). Enfin, la connaissance des usages « en temps réel » (rendue possible par les capteurs et surtout les smartphones qui permettent des informations montantes et descendantes, instantanées et localisées) permet d’optimiser les déplacements : la réduction de quelques pourcents des pics d’embouteillage par une meilleure connaissance de l’état du trafic permet d’éviter pertes de temps, pollution et énervements, mais elle permet surtout d’éviter l’adjonction d’une voie sur un périphérique (caractéristique n°5 : usage-en-temps-réel).

La formule « as a service », que l’on retrouve par exemple dans l’expérimentation « Maas » (Mobility as a Service) conduite à Helsinki, traduit ce basculement dans une économie de l’usage, autour des cinq caractéristiques évoquées ci-dessus : usager-centré, usage-versus-propriété, usager-sur-mesure, usager-producteur, usage-en-temps-réel. Ce terme « as a service », issu à l’origine du domaine du logiciel (« Software as a service »), se développe de plus en plus dans les pays anglophones, comme en témoignent les réflexions sur l’EeeS (Energy as a service) ou sur le Baas (Building as a service). En France, ce glissement serviciel n’a pas été acté dans la sémantique, mais se constate factuellement, notamment dans les finalités affichées des services urbains : l’objectif des politiques locales énergétiques est désormais moins d’assurer la distribution d’énergie que la performance énergétique ; les politiques de propreté visent moins à intensifier le traitement des déchets qu’à favoriser l’économie circulaire ; la production immobilière recherche de plus en plus « l’activation des usages ». Dans tous les cas, les causes de ce glissement serviciel sont multiples : nouvelles priorités des acteurs publics (lutte contre le réchauffement climatique), évolution des mentalités (nouvelles aspirations des individus, en lien avec nouvelles contraintes financière et environnementale) ; évolutions technologiques (production décentralisée d’énergie, smartphone, réseaux numériques…).

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Le dossier est téléchargeable : ici.

Lire également nos précédents billets, notamment :
– Financer la ville à l’heure de la révolution numérique (suite)
– Immobilier : de la production de mètres carrés à l’activation des usages