“Les Bassins à flots de Bordeaux, laboratoire de la ville libérale”
A lire dans Le Monde de ce 13-14 novembre 2022 l’article d’Isabelle Régnier sur les Bassins à flots à Bordeaux.
Puisque c’est bientôt la saison des examens pour nos étudiants de Sciences Po, voici un sujet possible : “Lisez l’article du Monde. Commentez”.
A lire également l’article de Gilles Pinson dans Métropolitiques : “L’appel à projets urbains « 50 000 logements » à Bordeaux : la mise en échec de la métropole stratège”
Et notre critique du livre de Gilles Pinson, “La ville néolibérale”, dans Métropolitiques également : “Dépasser la ville néolibérale“.
Ce coup de projecteur sur Bordeaux montre combien le montage d’une opération d’aménagement doit à la fois combiner une ambition forte et de multiples arbitrages, et combien la connaissance de ces mécaniques devient un enjeu majeur (voir ici notre billet “faut-il croire les bilans d’aménagement ?” et notre intervention devant un comité citoyen de cinquante habitants sur l’opération, parisienne, de Bercy-Charenton). A fortiori, quand le coût du foncier initial est très élevé (de plus en plus, le terme “urbanisme négocié” devient synonyme d’opération d’aménagement sans maîtrise foncière publique préalable) et que l’impératif est de refaire la ville sur la ville pour éviter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
A lire également, nos billets sur les expositions organisées par l’Agence de Nicolas Michelin sur Les Bassins à Flots précisément (ici) et sur “Argent Logement autrement“.
Extraits de l’article du Monde :
Dix ans à peine après sa mise en chantier, le quartier bordelais des Bassins à flot est quasiment terminé. En lieu et place de la friche portuaire qui se déployait à la fin du XIXe siècle sur la rive gauche de la Garonne, à 3 kilomètres du centre-ville, pour accueillir les navires de la marine marchande, on trouve aujourd’hui 600 000 mètres carrés de surface construite, dont plus de la moitié occupée par du logement.
(…)
Au total, ce sont 7 600 hectares de friches industrielles qui ont été mis en urbanisation en une grosse dizaine d’années, soit 14 % de la surface de la ville. Un projet pharaonique, qui matérialise la vision d’Alain Juppé en 2008, qui voulait doter sa ville de 50 000 nouveaux logements à horizon 2030. (…) Cette manière de faire, qu’on allait appeler « urbanisme négocié », s’appuyait sur des ateliers où se retrouvaient promoteurs, architectes, représentants de la ville, de la communauté urbaine (qui deviendrait métropole en 2015), des services techniques, qui se sont tenus tous les deux mois pendant plus de dix ans. Plan-guide à l’appui, on y négociait les gabarits, on discutait des programmes, on choisissait les architectes, on suivait l’évolution des projets… « Nous étions là pour défendre la qualité, protéger les architectes de la toute-puissance des promoteurs, assure Nicolas Michelin. Si un promoteur voulait construire 15 000 mètres carrés, on lui disait non, c’est 11 000″. (..) Très critique à l’endroit de cet urbanisme négocié dont il estime qu’il a produit « une caricature de la ville libérale », il lui oppose l’exemple de la transformation « globalement réussie » de l’île de Nantes, où le privé jouait aussi un rôle de premier plan, mais où l’aménagement était encadré par une société publique d’aménagement. « Les villes n’ont plus les moyens de travailler sans les promoteurs. Aujourd’hui, c’est un fait. Et c’est peut-être même bien de les embarquer, d’ailleurs. Mais il ne faut pas tout leur lâcher ! »