L’équilibre financier de l’opération d’aménagement Bercy-Charenton
S’étendant sur 80 ha dont 50 ha hors voies ferrées, le site de Bercy-Charenton, situé au Sud-est du 12e arrondissement de Paris, constitue une des dernières grandes opportunités foncières dans la capitale.
L’opération d’urbanisme devait “permettre, sur d’anciens espaces ferroviaires, la création d’un quartier mixte composé de logements, de bureaux, d’activités, de commerces, d’espaces verts, d’espaces publics et végétalisés, et d’équipements publics pour répondre aux besoins des futurs habitants et usagers. A terme, il accueillera 9 000 habitants et près de 13 000 emplois. L’opération d’urbanisme contribue à la priorité logements de la Ville et vise également à rééquilibrer l’emploi à l’est de la capitale. Le quartier Bercy-Charenton constituera avec le futur quartier Charenton-Bercy prévu dans la commune voisine de Charenton-le-Pont un des futurs centres de la métropole du Grand Paris. La création de la ZAC Bercy-Charenton a été adoptée par le Conseil de Paris en juillet 2018. La SEMAPA a été désignée pour conduire l’opération d’aménagement en octobre 2018”. (Extrait de la présentation du projet sur le site de la SEMAPA).
Ce projet a toutefois fait l’objet d’intenses controverses, notamment lors de la campagne municipale, entre socialistes et écologistes. Car, dans le projet de ZAC dessiné par l’agence Rogers Stirk Harbour + Partners, figurent six « immeubles de grande hauteur », dont le plus haut culminera à 180 mètres.
Le 15 février 2021, la mairie de Paris a annoncé une « remise à plat » officielle de ce projet urbain, et décidé de faire appel à un “comité citoyen”, “constitué d’un panel d’habitantes et d’habitants représentatifs de la population et tirés au sort par un institut de sondage indépendant”.
Le vendredi 9 juillet 2021, « le comité citoyen de Bercy-Charenton (…) a remis son avis en main propre à Emmanuel Grégoire, Premier adjoint à la Maire de Paris, et à Emmanuelle Pierre-Marie, Maire du 12e arrondissement de Paris. Le comité détaille 59 propositions pour le projet d’aménagement de Bercy-Charenton. Depuis le 29 mai et pendant cinq samedis matins successifs, les membres du panel citoyen ont travaillé à l’analyse et à la réinterrogation du projet d’aménagement Bercy-Charenton, décidé en 2018. L’avis rendu par le comité citoyen permettra éclairer la décision des élues et élus. Lors de la dernière séance de travail, 59 propositions ont été validées collégialement par les membres du comité citoyen”. (Extrait du communiqué de presse de la Ville de Paris du 10 juillet 2021).
Nous sommes intervenue comme “experte” lors de la première intervention de la première séance thématique, le samedi 6 juin 2021 matin, pour présenter “l’équilibre financier dans les opérations d’aménagement sous un angle pédagogique et d’information de manière à indiquer à quel point les questions d’arbitrages programmatiques et financiers sont imbriquées”.
Cette présentation, qui se tenait à l’intérieur du Musée des Arts Forains à Paris, fut pour nous l’occasion d’une expérience professionnelle à la fois inédite et inspirante. En effet, le fait de présenter les enjeux financiers en 45 minutes devant des habitants totalement néophytes sur ces sujets était une sacrée gageure et aussi un exercice inédit, tant les aspects économiques des projets sont rarement partagés dans les concertations avec les habitants. Choix du premier adjoint, cette présentation financière était la première des interventions d’experts pour insister sur l’importance de cette dimension.
En introduction de notre intervention, nous avons essayé de transmettre aux habitants trois convictions.
“Première conviction : La question économique est une des conditions de faisabilité du projet. Ce n’est pas la seule, mais c’en est une. Comme pour nous, en face de nos dépenses, il faut qu’on ait des recettes. Mais cette question de l’équilibre dépenses/recettes, elle d’autant plus prégnante dans le cas d’un projet urbain que ces recettes viennent principalement de deux sources : ou bien elles proviennent de la ville, et donc in fine, des impôts des parisiens, d’aujourd’hui ou de demain, ou bien ça vient de ce que vont payer les futurs acquéreurs pour acheter par exemple leurs logements. Plus l’opération est chère, plus les logements sont chers.
Deuxième conviction : La question économique doit être au service de l’ambition du projet. Et pour cela, il faut la penser tout de suite : si on la prend en compte trop tard, elle conduit à déshabiller le projet ; alors que si on l’intègre dès le départ, on peut jouer avec cette contrainte et trouver les moyens de l’optimiser. D’où l’idée de mettre mon intervention au début de cette série de présentations.
Troisième conviction : Ces sujets de modèles financiers peuvent paraître réservés à des spécialistes, mais fondamentalement, ce n’est pas sorcier. Ce ne sont pas des calculs complexes, il faut juste quelques clefs de lecture et c’est ce que je vais essayer de vous donner maintenant. Je rajouterai par ailleurs que c’est assez ludique”.
Nous avons ensuite présenté le schéma des acteurs du projet…
les principaux enjeux de l’emboîtage des bilans et de l’équilibre financier de l’opération, en lien avec le programme et l’écriture urbaine.
Après cette présentation formelle de l’imbrication des bilans, un “serious game” avait été préparé par les Agences Trait Clair et La Belle Friche, avec deux scénarii : le premier sur l’extension d’espaces verts et le second sur la construction de logements supplémentaires. Sur la base du support que nous avions préparé montrant pas-à-pas les impacts de ces choix sur le bilan, et pour chaque levier, les participants étaient invités à lever leur papier (de couleur verte ou rouge) selon s’il y a un impact faible, fort ou modéré de ces leviers.
NB : Ce serious game sur les bilans d’aménagement a obtenu le prix Territoria d’Or : ici.
Une capsule vidéo de 13 minutes, disponible ici, reprend les principaux éléments de notre présentation (elle est accessible via “ibi club”).