Le train du numérique
Il faut lire l’éditorial de David Barroux paru dans les Echos de ce jour à l’occasion du lancement de son plan numérique par la SNCF.
Extrait :
Les choses ont changé. Le « digital » n’a au départ concerné que les entreprises dont les biens sont par nature dématérialisables. La musique, la vidéo, la presse… les médias furent les premiers à être submergés par le tsunami numérique. Cette révolution a, dans les journaux, les maisons de disques, les studios audiovisuels bouleversé à la fois les modes et les rythmes de production, les canaux de commercialisation et les rapports de force entre producteurs, distributeurs et consommateurs. Le monde des services a ensuite été à son tour rattrapé par cette vague. On le voit dans l’hôtellerie et le commerce où des sites de réservation comme Bookings ou des cybermarchands comme Amazon ne cessent d’accroître leur influence quand de grands groupes comme Accor ou la Fnac sont contraints de se réinventer. On le voit dans les taxis quand des acteurs comme Uber ou autres VTC profitent de brèches ouvertes par les smartphones pour venir concurrencer des professions qui se croyaient protégées par d’infranchissables murs réglementaires constituant de redoutables barrières à l’entrée. Même l’industrie qui s’est longtemps crue à l’abri des ravages provoqués par le tremblement de terre digital se rend compte qu’elle va devoir apprendre à nager dans le bain numérique si elle ne veut pas finir noyée. De l’impression 3D aux nouveaux modes de formation ou de développement de produits, en passant par la possibilité qu’a désormais la moindre PME de s’adresser instantanément à un marché mondial en passant par le Web, ce sont autant de petites touches qui bouleversent les groupes industriels les plus installés. La SNCF est à cet égard symbolique. La cyberéconomie du partage a fait émerger BlaBlaCar, un redoutable concurrent que notre champion du rail n’a pas vu venir. Et demain, quand tous les billets seront achetés via le Net, Google ne sera-t-il pas le premier distributeur de la SNCF ? Et ses clients qui pour l’instant râlent quand les trains sont en retard veulent surtout des prises et du wi-fi dans les wagons.
C’est l’occasion de relire l’analyse du toujours passionnant Nicolas Colin – consultable ici. Ce Barbare montre notamment comment les cinq étapes qui jalonnent la transition numérique d’une filière se retrouvent dans le secteur du transport urbain.
Extrait :
La troisième étape, l’établissement du rapport de force, survient lorsque, parmi les entreprises ayant réussi leur alliance avec la multitude, certaines deviennent si puissantes en aval de la chaîne de valeur qu’elles commencent à entrer en conflit avec les intérêts de l’amont, notamment sur la répartition de la marge. Le conflit se traduit par un rapport de force visible dans la stratégie et le positionnement des uns et des autres ;
La quatrième étape, l’arrivée des géants, correspond aux premières acquisitions d’ampleur par certaines entreprises qui dominent déjà l’économie numérique dans d’autres filières. Aux entreprises qu’elles acquièrent, ces géants apportent du capital et des effets d’échelle et de réseau qui leur permettent d’accentuer le rapport de force et de s’imposer face aux entreprises en place plus en amont dans la chaîne de valeur ;
La cinquième étape, la remontée de la chaîne, conclut le processus de transformation. Elle se concrétise lorsque l’un des géants issus de l’économie numérique et ayant pris position en aval de la filière s’impatiente de la rigidité de celle-ci plus en amont et décide d’évincer les entreprises en place en s’intégrant verticalement. L’exemple topique est Netflix qui remonte la chaîne de valeur de la filière audiovisuelle en devant elle-même productrice de séries.
Pour relire notre précédent billet sur le paradoxe de la ville intelligente, cliquer ici.