La valeur des eaux sales
L’article que publie les Echos de ce jour sur les eaux usées est très intéressant.
D’abord, parce qu’il offre une nouvelle illustration de l’hybridation entre les secteurs : désormais, on capte la valeur des eaux usées pour produire de l’énergie :
Les eaux usées sont devenues un or noir : on en capte la chaleur pour chauffer des bâtiments et on transforme les boues d’épuration en biogaz.
(L’enjeu de captation de la chaleur des eaux usées) est monté en puissance depuis que les deux géants Veolia et Suez proposent aux collectivités locales un système récupérant dans les réseaux municipaux d’égouts la chaleur afin de chauffer l’eau sanitaire ou l’air d’un bâtiment. Chez Veolia, Energido a signé fin novembre 2015 cinq contrats (surtout pour le chauffage des piscines).
Mais c’est Degrés Bleus, de Suez, qui s’impose. A ce jour, « Suez Eau France compte une quinzaine d’installations Degrés Bleus sur différentes typologies de bâtiments dans 11 villes en France », indique le groupe. Hôtel de ville, logements, piscines, écoles mais aussi le palais présidentiel. Pour réduire de 60 % sa consommation d’énergies fossiles, l’Elysée est chauffé grâce aux égouts municipaux environnant.
Avec Degrés Bleus, « le retour sur investissement est de quelques années (huit-neuf ans) pour une durée de vie de l’échangeur de trente ans », souligne Suez. Le procédé a été racheté par Lyonnaise des Eaux au suisse Rabtherm en 2007.
Ensuite, parce qu’il rejoint la question de la miniaturisation des systèmes techniques urbains qui n’ont plus besoin d’être gérés à l’échelle de la ville pour fonctionner (voir ici). Or cette émergence des circuits courts (par exemple les écoquartiers) voire de bâtiments de plus en plus autonomes risque de bousculer les principes de financement traditionnels des services urbains : dans quelle mesure l’habitant qui n’a plus besoin de se raccorder au réseau d’eau de la collectivité acceptera-t-il encore de participer à son financement ? C’est la quatrième menace à la “gratuité de la ville” que nous pointions dans notre article dans Futuribles (ici). Les Echos expliquent ainsi :
A l’instar de Biofluides, les start-up visent non pas la clientèle des collectivités mais les clients privés ou les bailleurs sociaux, et leur proposent des « microsystèmes » situés dans la cave d’un immeuble, qui utilisent les rejets de ce dernier pour le chauffer. Un principe autonome bien dans l’esprit de la Nouvelle Economie : à partir du moment où elle a de la valeur, à chacun son eau sale.
A lire également, le dossier d’Urbanités sur : la “ville et les tuyaux” : ici), ainsi que l’article de Sylvain Petitet dans Métropolitiques : “Eau, assainissement, énergie, déchets : vers une ville sans réseaux ?.
Source : “Les eaux usées des logements deviennent le nouvel or noir de l’énergie verte en Europe” – Les Echos – 19-4-2016 ; “Comment chauffer l’eau sanitaire d’un immeuble grâce à ses eaux usées” – Les Echos – 19-4-2016