La propriété temporaire au service du logement abordable
Alors que l’enjeu de production du logement abordable est aujourd’hui crucial, on ne peut que saluer la création d’un nouveau type de bail, le « bail réel immobilier relatif au logement » (BRILO).
Le BRILO est un nouvel outil juridique qui vise à permettre à la catégorie sociale « intermédiaire » d’avoir accès à la propriété, tout en évitant les travers de l’ « accession sociale à la propriété ». Celle-ci génère en effet un effet d’aubaine puisque l’interdiction faite à l’acquéreur de revendre sur le marché le bien qu’il a acquis à un prix inférieur au marché (grâce à la moindre charge foncière consentie par la collectivité locale au promoteur) est nécessairement limitée dans le temps, souvent à une dizaine d’années.
Le BRILO repose sur une double idée. Premièrement, c’est sur le prix du foncier qu’il faut jouer, et non pas sur le prix de l’immeuble bâti. Deuxièmement, le prix est moins cher car la propriété est temporaire, mais c’est une pleine propriété temporaire. On est donc sur un schéma très différent du pass-foncier, qui reposait au contraire sur l’idée de réunir à terme la propriété du sol et celle du bâti, et donc de reconstituer in fine la pleine propriété du bien.
Jusqu’alors, en droit français, trois types de contrats permettaient d’organiser une propriété temporaire : le Bail Emphytéotique du Code Rural (BE), le Bail à Construction (BàC), et le Bail Emphytéotique administratif (BEA). Ces trois outils étaient toutefois insuffisants pour répondre au défi posé.
Le BE, qui est l’outil de droit commun permettant la dissociation du foncier et du bâti a beaucoup d’avantages au niveau des garanties et de la stabilité du droit (entre 18 et 99 ans). Mais, comme le BàC, il repose sur une conception absolue de la propriété et ne permet pas de prévoir des clauses d’affectation (obligation que le bien soit utilisé à titre de résidence principale) ou de clauses antispéculatives. Il ne permet pas non plus d’imposer au preneur du bail de réaliser une construction.
Le BEA aurait été la solution car le fait que son objet soit d’intérêt général permet d’y mettre des clauses d’affectation et des clauses antispéculatives, qui peuvent durer pendant toute la durée du bail. Toutefois, il présente deux contraintes. Il ne permet pas le financement de l’acquisition des logements par les acquéreurs finaux (l’hypothèque n’est possible dans le cas du BEA que pour garantir les emprunts liés à la réalisation du bâtiment). Surtout, s’agissant d’un contrat administratif, il peut être résilié à tout moment.
Pour éviter ce caractère instable du droit, et la crainte d’une frilosité du futur acquéreur par rapport à une propriété instable, l’idée était donc de sortir du droit administratif, et de créer un nouvel outil, adapté à la spécificité d’un projet d’intérêt général (le logement) mais dont la propriété est privée. Le BRILO doit permettre ainsi d’avoir une clause anti-spéculative et d’avoir une clause d’affectation ; et s’agissant d’un contrat non administratif, il empêche la résiliation sans cause justifiée.
Ce bail a été mis en point par l’étude Cheuvreux, et a été formalisé par l’ordonnance 2014-159 du 20 février dernier, relative au logement abordable (plus de détail ici). Aujourd’hui réservé à la production de logements dans certaines zones tendues, il serait sans doute intéressant de l’ouvrir à la production de locaux d’activités abordables, tant il paraît indispensable d’inventer les conditions du maintien des activités productives en cœur de métropole.