La maîtrise des dépenses des collectivités locales : vrai sujet, mauvaise formulation !
Après la maîtrise des dépenses de l’Etat, la réduction des dépenses des collectivités locales s’annonce comme un prochain défi pour le gouvernement. Voici le point de vue que nous publions sur Le Cercle des Echos.
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Extraits :
Après la maîtrise des dépenses de l’Etat, la réduction des dépenses des collectivités locales s’annonce comme un prochain défi majeur pour le gouvernement. Les signaux se multiplient : après les critiques de la Cour des Comptes sur des élus trop dépensiers , c’est désormais l’Elysée qui s’apprête à confier une mission sur ce sujet à deux anciens ministres du Budget.
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Premier défi : il faut pouvoir arbitrer entre les différents projets locaux. C’est indispensable pour concentrer les moyens sur les plus utiles collectivement, et limiter les concurrences entre projets (cf. par exemple la multiplication des projets urbains autour des gares du Grand Paris, ou la multiplication des stades en Ile-de-France). Il y a là bien-sûr un enjeu de gouvernance, mais un autre enjeu est de ne pas se focaliser sur la seule question des coûts financiers, mais bien davantage sur le rapport coûts / bénéfices. Il faut en effet pouvoir mesurer le rapport entre l’ensemble des bénéfices d’un projet local – à la fois économiques (création d’emplois, génération de recettes fiscales…), sociaux et environnementaux (réduction des consommations énergétiques, création d’espaces verts…) – et l’ensemble de ses coûts, là aussi économiques, sociaux (par exemple, «gentrification» tendant à exclure les populations initiales) et environnementaux. Ce travail sur la « création de valeur urbaine » repose sur une méthodologie qui reste largement à élaborer , mais est essentiel si on veut produire une ville « durable ».
Deuxième défi : il faut renouveler les modes d’intervention des collectivités locales. Dans certains cas, elles pourraient prendre davantage appui sur les acteurs privés, à la condition d’être capable d’orienter l’action de ces acteurs privés dans le sens de leurs intérêts – ce qui suppose qu’elles renforcent leurs compétences en la matière. Dans d’autres cas, pour certains projets prévisionnellement rentables, les collectivités locales pourraient privilégier des interventions sous forme de capital dans des sociétés de projet, plutôt que sous formes de subventions. C’est par exemple la manière dont la Caisse des Dépôts accompagne certains projets locaux. Si le projet est rentable, l’investisseur public bénéficie d’un retour sur investissement, et peut investir dans d’autres projets ; si le projet n’est pas rentable, sa perte est équivalente à une subvention.
Enfin, troisième défi, c’est la conception même des projets urbains qui doit évoluer. Trop souvent encore, la vision urbaine voulue par l’urbaniste prime sur les contraintes opérationnelles et financières, qui sont pourtant d’autant plus prégnantes que les grands projets urbains en cœur de métropole sont souvent des projets de transformation de site existant (il faut donc dépolluer, démolir, reloger les habitants,… ce qui est plus cher et plus complexe). Le risque est alors de se retrouver in fine avec des projets… « beaux » mais infaisables, sauf à être hors de prix. Les collectivités locales doivent désormais articuler la conduite urbaine du projet avec ses enjeux financiers, notamment en travaillant avec les différentes parties prenantes et le «déjà-là».
Ces trois défis montrent combien la maîtrise des dépenses locales est d’abord une question d’évolution de la… maîtrise… d’ouvrage publique !
(Pour une présentation détaillée de ce troisième défi, voir ici)
Source : “La maîtrise des dépenses des collectivités locales : vrai sujet, mauvaise formulation !” – Isabelle Baraud-Serfaty – Le Cercle des Echos – 7 octobre 2011