« La main discrète. La finance globale dans la ville ».
La stimulante revue de prospective du Grand Lyon, M3, publie dans son dernier numéro un article de Dominique Lorrain, Directeur de recherche au CNRS, qui est sans doute un des plus fins observateurs de la financiarisation des villes. Son texte « L’industrie de la finance et la ville » est une synthèse de son article sur « La main discrète. La finance globale dans la ville ». Eclairant.
Extrait :
“La ville, comme d’autres objets, n’échappe pas au phénomène de financiarisation de l’économie sous deux formes différentes. L’une, visible, s’exprime par la privatisation des “briques” qui composent la ville. L’autre, beaucoup plus diffuse et indirecte, réside dans le pouvoir informationnel de la finance globale, qui lui permet d’évaluer et de comparer la valeur des projets urbains aux quatre coins de la planète.
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Comme le mentionnent Anton Brender et Florence Pisani dans leur ouvrage sur la finance globale, sa première contribution est de mettre en relation des épargnes disponibles en certaines zones du monde et des projets localisés ailleurs. Pour ce faire, elle a élargi le métier traditionnel de banquier, fondé sur des relations personnelles, en mettant au point des nouveaux instruments qui ont libéré les marchés de leurs conditions locales et démultiplié les transactions possibles. Pour rendre possible l’émergence des marchés globaux, elle a contribué à mettre au point et à diffuser des institutions formelles : respect des droits de propriété, existence d’un système comptable appliquant des normes internationales, transparence de ces documents, existence d’un système juridique indépendant et efficace assurant la mise en oeuvre des contrats à un coût faible.
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La finance peut être qualifiée de globale parce qu’elle est capable de comparer des actifs différents et d’intervenir, quel que soit le secteur et dans un grand nombre de pays. Par-delà le poids des contingences, elle est capable de mettre en équivalence une centrale de production électrique en Grande-Bretagne, un réseau de transport de gaz au Texas, un réseau câblé à Taïwan, une autoroute en France, des aéroports en Italie, des grands blocs de logements dans les villes allemandes et à Tokyo, des centres commerciaux à Shangai, etc. Ces actifs urbains peuvent également être comparés à des investissements dans d’autres secteurs. Le pouvoir de la finance découle ainsi du fait qu’elle est la seule à détenir ce pouvoir d’information”.