Instantanés de Dakar et sa banlieue (1) : aviculture péri-urbaine, promoteurs immobiliers et KFC
Ce billet rapidement rédigé n’a pas d’autre prétention que de nous permettre de garder en mémoire quelques éléments de décryptage de ce que nous avons pu observer lors de notre séjour à Dakar, en marge d’une mission sur le montage des projets urbains au Sénégal (mission pour la Banque Mondiale et l’UEMOA – Espelia Mandataire). Un grand merci à Lucie Crotat, experte urbaine basée à Dakar, pour avoir été une guide précieuse et avoir aiguisé notre regard. Ce billet est suivi d’un deuxième sur : “moutons de Tabaski, espaces extérieurs des maisons, inondations et trottoirs“.
En janvier dernier en Côte d’Ivoire, nous avions observé les paysages le long de la route entre Abidjan et Grand Bassam par le prisme du ciment, grâce au livre d’Armelle Choplin : « La vie du ciment en Afrique – Matière grise de l’urbain ». L’auteur y expliquait avoir voulu s’intéresser à une « denrée à forte coloration culturelle, qui fasse en même temps l’objet d’une marchandisation globalisée » pour en raconter la vie sociale, politique et économique. Cette semaine, à Dakar et ses environs, c’est plutôt le poulet qui a suscité notre intérêt. Mais cette fois-ci, nul livre sur lequel s’appuyer, on a donc mis quelques phrases d’explication des photos (en renvoyant aux publications sur lesquelles elles s’appuient).
En 2005, suite à la pandémie de grippe aviaire, le Sénégal a interdit l’importation de poulets. Depuis lors, la filière avicole sénégalaise se porte bien et ces dernières années, le secteur avicole a fait preuve d’un réel dynamisme. En 2011, la production avoisinait les 19 millions de poulets contre 5 millions avant l’arrêt des exportations. (cf. texte “extrait 1” ci-dessous).
“Dakar et sa banlieue (surtout Pikine, Guédiawaye et les Parcelles assainies) abritent un petit élevage « urbain » avec de petits effectifs (100 à 300), pratiqué dans les domiciles, sur les terrasses et dans les cours. Cet élevage est approvisionné en aliment volaille, souvent au détail grâce aux boutiques de quartier et il profite des services d’un réseau ad hoc de mini-tueries de quartier pour ses débouchés. Bien que très précaire, ce type d’élevage avicole fait partie, avec l’élevage ovin urbain de l’économie informelle de diversification et de génération de revenus dans les villes où la jeunesse est confrontée au chômage et à la saturation des circuits du petit commerce“. (cf. texte “extrait 2” ci-dessous)
Plumer à la main fait perdre beaucoup de temps. En effet, “selon le type de volailles et le nombre que vous souhaitez déplumer vous trouverez des plumeuses adaptées à vos besoins. Pour plumer une poule, deux choix s’offrent à vous : le plumage à sec et le plumage trempé”. (cf. Dakar-annonces). On voit ainsi beaucoup de déplumeuses le long des routes.
Au Sénégal, pour répondre à la démographie citadine sans cesse croissante et l’augmentation de la demande en protéines animales, une aviculture semi-industrielle de proximité dans l’espace urbain et périurbain s’est développée. La région de Dakar regroupe l’essentiel de cette activité dans un rayon de 100 km autour de la capitale et représente 6 millions de poulets de chair sur une année. De 1992 à 2000, la production de viande a augmenté de 25%. (cf. texte “extrait 3” ci-dessous).
Le marché Castors (son nom est liée à la coopérative d’habitat qui a créé le quartier dans lequel il se trouve) est l’un des plus grands marchés de Dakar. La plupart des produits proposés viennent de l’arrière-pays. La place réservée strictement à la vente de poulets y est communément appelée « Packou guinaar». (cf. texte “extrait 5” ci-dessous)
Le petit film ci-dessous donne à entendre les bruits du marché.
Un africain ne consomme en moyenne qu’un œuf toutes les 5 ou 6 semaines, tandis qu’un japonais en consomme presque quotidiennement. Cette raison, combinée avec le fait que le secteur avicole du Sénégal est autosuffisant et peut même se permettre d’exporter vers d’autres marchés, est l’une de celles qui ont poussé KFC, la chaîne américaine de restauration rapide, à finaliser un accord d’exploitation de franchise avec le géant sénégalais du poulet, Sedima, pour l’ouverture de deux restaurants à Dakar. C’est la première fois que KFC choisit un producteur avicole et non un distributeur, pour porter le développement de son enseigne dans un pays. (cf. texte “extrait 6” ci-dessous)
C’est ainsi que le premier restaurant KFC du Sénégal (la chaîne revendique huit millions de consommateurs par jour dans ses 21 000 restaurants à travers le monde) a officiellement ouvert ses portes samedi 5 octobre 2019 sur la Corniche Ouest, après une inauguration en grande pompe (cf. texte “extrait 7” ci-dessous).
Ce KFC se trouve quasiment en face des deux zones sportives, très fréquentées, qui ponctuent le bord de mer, et permettent aux Dakarois de pratiquer leur passion du sport (les équipements sportifs qui les équipent ont été offerts… par la Chine en 2016).
La filière avicole est confrontée à un certain nombre de problèmes, notamment la pression foncière dans la zone des Niayes qui a une véritable vocation avicole. A Sangalkam, Keur Massar, etc., plusieurs exploitations avicoles ont ainsi cédé la place à des projets immobiliers. C’est pourquoi, le président de la Fafa (Fédération des Acteurs de la Filière Avicole) préconise la création d’une « zone franche avicole » pour éviter les conflits entre aviculteurs et promoteurs immobiliers. (cf. texte “extrait 1” ci-dessous). La photo ci-dessus du père avec son grand couteau et son fils a ainsi été prise dans la même rue que celle qu’on voit dans l’image ci-dessous, à Tivouane Peulh, entre Keur Massar et Keur Salam.
Sur la photo, on voit les briques artisanales fabriquées à la main à partir du ciment (vendu dans les quincailleries, comme le bâtiment orange ci-dessous qui vient manifestement d’ouvrir), de l’eau et du “grain de riz” (une taille spécifique de gravier). Les briques sèchent au soleil pendant 2 ou 3 jours devant la maison en cours de construction qu’elles contribueront à édifier.
Cette zone est en pleine expansion immobilière comme on le voit ci-dessous (cf. le rôle du ciment en Afrique. Voir aussi sans faute la conférence donnée par Armelle Choplin en visio à Dakar la semaine dernière ici – son intervention démarre au bout de 16 minutes et 50 secondes)…
… ou non loin de là, à la Cité Apix :
L’ordre des photos suit peu ou prou le trajet que nous avons fait depuis Tivouane Peulh jusqu’au KFC de la Corniche-Ouest…
… et de fait, il semble bien qu’il suive aussi la chaîne de valeur du poulet (cf. texte “extrait 4” ci-dessous) :
NB : un fast food un peu différent des KFC :
Pour lire notre précédent billet “Instantanés de Dakar (2) : moutons de Tabaski, espaces extérieurs des maisons, inondations et trottoirs“, c’est ici.
Extrait 1 (c’est nous qui soulignons)
Ces dernières années, le secteur avicole a fait preuve d’un réel dynamisme. En 2011, la production avoisinait les 19 millions de poulets contre 5 millions avant l’arrêt des exportations. (…) Cependant, malgré ce dynamisme, la filière est confrontée à un certain nombre de problèmes, notamment la pression foncière dans la zone des Niayes qui a une véritable vocation avicole. A Sangalkam, Keur Massar, etc., plusieurs exploitations avicoles ont ainsi cédé la place à des projets immobiliers. C’est pourquoi, le président de la Fafa préconise la création d’une « zone franche avicole » pour éviter les conflits entre aviculteurs et promoteurs immobiliers. L’autre contrainte concerne l’absence d’abattages modernes à Dakar et de chambres froides pour la conservation des poulets en période de surproduction (korité, fêtes de fin d’année, etc.).
http://www.hubrural.org/Senegal-Filiere-avicole-La-levee.html?lang=fr
Extrait 2
Dakar et sa banlieue (surtout Pikine, Guédiawaye et les Parcelles assainies) abritent un petit élevage « urbain » avec de petits effectifs (100 à 300), pratiqué dans les domiciles, sur les terrasses et dans les cours. Cet élevage est approvisionné en aliment volaille, souvent au détail grâce aux boutiques de quartier et il profite des services d’un réseau ad hoc de mini-tueries de quartier pour ses débouchés. Bien que très précaire, ce type d’élevage avicole fait partie, avec l’élevage ovin urbain de l’économie informelle de diversification et de génération de revenus dans les villes où la jeunesse est confrontée au chômage et à la saturation des circuits du petit commerce. Ce système d’élevage se développe tout en constituant un alea hygiénique considérable dans un contexte de zoonoses et de maladies animales émergentes et ré-émergentes. Des risques sanitaires élevés en découlent pour les populations voisines d’autant plus que les pratiques de biosécurité et d’hygiène sont peu rigoureuses voire absentes. Ce système d’élevage est généralement très peu suivi sur le plan vétérinaire et il ne peut pas satisfaire aux normes de santé publique.
https://www.ipar.sn/IMG/pdf/covid19_aviculture_au_senegal_ipar_nov_2020.pdf
Extrait 3
Au Sénégal, pour répondre à la démographie citadine sans cesse croissante et l’augmentation de la demande en protéines animales, une aviculture semi-industrielle de proximité dans l’espace urbain et périurbain s’est développée. La région de Dakar regroupe l’essentiel de cette activité dans un rayon de 100 km autour de la capitale et représente 6 millions de poulets de chair sur une année. De 1992 à 2000, la production de viande a augmenté de 25 p. cent passant de 6000 à plus de 7800 tonnes par an. De surcroît, l’amélioration de la productivité a permis de réduire les coûts de production dans les élevages et aujourd’hui, le poulet produit par ces élevages modernes fournit la viande la moins chère à la ménagère sénégalaise (1550 F CFA le Kilo soit 2.4 euros le Kilo).
https://agritrop.cirad.fr/525238/
Extrait 4
La chaîne de valeur avicole est constituée par divers acteurs qui se partagent des fonctions physiques, d’échanges et de facilitation pour les distribution, production, manutention, stockage, conditionnement et transport de la viande de volaille et des oeufs du poulailler à l’assiette ou au sandwich du consommateur. (…)
Dans le cas du Sénégal, des questions se posent cependant pour l’élevage péri-urbain. En effet, cet élevage reste-t-il aujourd’hui un système pérenne et véritablement intégré aux circuits dominants de commercialisation ? Est-il mû par une dynamique de développement durable soutenu par un investissement qui va rester élevé et en croissance et continuer à profiter d’une forte intensité en main d’oeuvre urbaine et péri-urbaine peu coûteuse ? Est-il plutôt une option de transition vers l’élevage commercial intensif avec des marges de progression vers l’intensification ? Par ailleurs, du fait des pressions foncières autour de Dakar et des centres urbains secondaires, ce mode d’élevage lancé par de petits et moyens promoteurs urbains à la recherche de revenus d’appoint, de diversification ou de substitution n’est-il pas plutôt dominé par la précarité et condamné à disparaitre ou à être délocalisé ? (…)
Alors que la consommation annuelle moyenne par habitant dans le monde est estimée à 34 kg/habitant pour la période 2017-2019 (OECD-FAO, 2020), la consommation de viande par habitant a augmenté régulièrement au Sénégal pour atteindre 16,5 kg/habitant. La part de la volaille industrielle a augmenté de manière considérable jusqu’à supplanter la viande bovine en 2019. En 2019, la volaille industrielle a représenté 30% de la consommation de viande à égalité avec la viande bovine. La prise en compte de la volaille familiale qui est estimée à environ 13 % de la consommation par habitant fait de la viande de volaille la première viande consommée par habitant au Sénégal soit 44% du total. Les dix dernières années, la volaille industrielle a fortement augmenté dans l’assiette et le sandwich du sénégalais. (…)
Une telle tendance est conforme à l’évolution de la consommation des viandes dans le monde et particulièrement dans les pays en développement. Il faut également relever la prééminence des viandes blanches qui ont largement pris le dessus sur la viande rouge avec en particulier la domination désormais nette du poulet en Afrique et du porc en Asie du sud-est.
Au niveau mondial et donc sous-régional, la consommation globale de viande a suivi une trajectoire ascendante continue, conforme aux déterminants de la « révolution de l’élevage » des vingt dernières années dans les pays en voie de développement. Les déterminants en sont la forte croissance démographique et l’urbanisation accélérée combinées à une augmentation relative des revenus. Ces déterminants se sont conjugués en Afrique de l’Ouest et ont concouru à une forte demande nationale et régionale en protéines animales. En outre, les modes dominants de consommation des viandes en milieu urbain ont favorisé la volaille qui a bénéficié de prix relatifs meilleurs tout en profitant des préoccupations croissantes en matière de nutrition plus saine et de protection de l’environnement au détriment de la viande rouge. (…)
Il est utile de relever qu’au niveau international, une opinion «anti-élevage» et «anti-viande» est en train de se déployer activement avec le soutien de puissants courants de pensée et de réseaux d’opinion qui gagnent en influence dans les pays riches du nord. Des pressions activistes visent la propagation de choix culturels et idéologiques en faveur de modes de vie végétariens et végans et des comportements dits «anti-spécistes» aspirant à accorder aux animaux exploités pour leur viande et, même pour toute autre forme d’utilisation, des droits supérieurs et au-delà des principes internationaux de l’exploitation et du bien-être des animaux déjà bien connus, acceptés et pratiqués en Afrique. (…)
Il est peu probable que la région Afrique et singulièrement l’Afrique de l’Ouest deviennent un terrain propice pour une reconversion anti-viande effective de la consommation alimentaire et une réduction, sur des bases idéologiques, des produits carnés au profit de régimes alimentaires uniquement à base de végétaux. La chaîne de valeur avicole régionale n’est pas encore concernée par les préférences singulières de consommation d’une certaine élite occidentale militante pour une conception des droits animaux qui lui est propre mais qu’elle voudrait être suivie par tous les peuples. Pour le moment, le marché des produits avicoles ne parait pas être menacé comme le confirment les projections 2029 de l’OECD-FAO. (…)
3.4.1 Les « petits producteurs » en zones urbaines et périurbaines : La Covid-19 s’est propagée pendant la préparation par anticipation des événements religieux prévus de mars à mai 2020 (Gamou, Daka de Médina Gounass, Kassou Rajab, Appel des Layénes, Pâques et Korité) avec le décalage annuel de 11 jours par rapport à 2019. L’anticipation d’une très forte demande pour le deuxième trimestre 2020 s’est traduite par un remplissage des poulaillers en production. Par la suite l’annulation des événements religieux et les mesures sanitaires et administratives de riposte à la pandémie ont entrainé des retards de déstockage et l’allongement des cycles de production à plus de 45 jours, l’augmentation des coûts de production surtout du poste alimentation et la vente à perte de poulets lourds ou de gros calibre par manque de débouchés habituels pour les productions.
Etant donné le nombre des petits producteurs estimés à 80% des exploitants avicoles, le coût social de la Covid-19 a été proportionnel et aggravé par la précarité des élevages et leur dépendance très forte à l’intermédiation informelle afin d’avoir des débouchés immédiats pour toute bande lancée. L’arrêt des activités de production et le bradage des produits ont été les seules options pour contenir des dégâts financiers et la faillite après une suppression brutale de tous les postes de coûts directs et indirects.
Il faut cependant noter que le cas des petits producteurs urbains et de terrasse qui ont pu continuer à fournir leur voisinage ainsi que les circuits courts de quartier et d’en tirer profit.
Source : “Aviculture et Covid-19 au Sénégal : Situation et perspectives” – IPAR – Octobre 2020
Extrait 5
“Un détour dans les profondeurs des ruelles et des étals nous mène à la place réservée strictement à la vente de poulets, communément appelé au marché Castors « Packou guinaar». Le lieu qui, en pareille période, grouillait de monde est aujourd’hui plongé dans une ambiance morose. On entend aisément les chants des coqs mêlés aux bribes de paroles des rares clients venus pour la plupart pour constater et marchander le prix des coqs. Même si au Sénégal, le poulet demeure la viande par excellence à consommer durant cette fête, la situation pour l’instant s’avère tout autre. Et le vieux Dramane, vendeur depuis plus de 30 ans, contesterait sûrement aujourd’hui la continuité de cette tradition alimentaire à cause du renversement de la situation. Interrogé sur la vente de poulets durant cette fête qui semble être leur période de traite, il lâche de manière désintéressée : « tu vois, il y a suffisamment de poulets dans ce marché, il est même difficile de se frayer un chemin à cause du bon nombre, en plus ils ne sont pas chers. Pourtant, je n’arrive pas à en vendre plus de 20 par jour. A ce rythme, il n’y aura pas moyen d’écouler nos marchandises» se plaint-il. La même complaisante est notée chez son interlocuteur d’à côté, visiblement à fleur de peau. Visage en colère, il répond sèchement à une cliente, en train de marchander : « il n’est pas question que je diminue, ne serais-ce qu’un franc de ces 3000 F. L’aliment que je donne à mes poulets, on ne me les offre pas». Interrogé sur les prix , il lance : « Bon, le prix n’est pas fixe, ça dépend du volume et de le nature du poulet. S’il s’agit du poulet de chair appelé communément poulet d’élevage, ce n’est pas du tout cher. Je vends celui qui pèse 2 kg à 2500F, celui de 2 kilos 500 à 3000 F. A côté, il y a le poulet local communément appelé poulet du pays, c’est plus cher. Le prix varie entre 3 500 à 7000 F. Vraiment, il y en a pour toutes les bourses», informe-t-il”.
“Ambiance froide dans les marchés de Dakar” – SudOnLine – 22 mai 2020
Extrait 6
Premièrement, avec une production annuelle de 100 millions de poulets et prés de 650 millions d’œufs pour une consommation nationale autour de 60 à 70 millions de poulets, le secteur avicole du Sénégal, est donc autosuffisant et peut même se permettre d’exporter vers d’autres marchés. C’est donc un marché arrivé à maturité, comme on dit dans le jargon des investisseurs, pour KFC.
Et dans ce marché autosuffisant en production et consommation et mature en retour sur investissement sur chaque franc dépensé, le leader du secteur au Sénégal, est sans conteste, le Groupe Sedima avec notamment 32% de part de marché dans l’aliment de volaille; 28% de part de marché dans la vente des poussins et 20% de part de marché dans la minoterie dans laquelle il s’ est lancé depuis 2016. Le Groupe Sedima, grâce à sa minoterie, est la seule entreprise dans le secteur au Sénégal et dans la sous-région ouest africaine, à être certifiée ISO 22000; une norme internationale relative à la sécurité des denrées alimentaires.
Deuxièmement,le marché sénégalais de l’aviculture, considéré à l’échelle du marché africain et mondial de la volaille, est un marché très étroit (un tout petit marché) en termes de consommateurs et d’efficience. Mieux, alors qu’elle abrite 13% de la population mondiale, l’Afrique ne fournit que 4% des produits aviaires dans le monde et un africain ne consomme en moyenne qu’un œuf toutes les 5 ou 6 semaines, tandis qu’un japonais en consomme presque quotidiennement.
Même constat pour la viande de volaille où en une année, un Africain ne consomme en moyenne que 3,3 kg de viande de volaille, contre 28 kg pour un français et une moyenne mondiale de 14 kg.
Troisièmement, en cas de procédure contentieuse à intenter contre l’Etat du Sénégal à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) au niveau de l’Organe de règlement des différends, à propos de la mesure d’interdiction d’importation de poulets au Sénégal en vigueur depuis 2005, les coûts de procédures (honoraires des avocats d’affaires à payer) ainsi que la durée de la procédure (il faut au minimum trois années avant un premier verdict) ont été évalués.
Pour un si petit marché, l’enjeu ne vaut pas la peine de se déplumer pour KFC (Kentucky Fried Chicken) appelé PFK pour Poulet Frit Kentucky au Québec. KFC déjà présente dans 16 pays d’Afrique, a décidé de mettre le paquet sur la partie francophone du continent avec l’ouverture de son premier fast food à Tunis en janvier 2018.
Ce sont donc ces trois raisons qui ont poussé la marque KFC qui était initialement intéressée par le marché avicole sénégalais, à renoncer. Andrew Havinga, le directeur pour les nouveaux marchés africains de la célèbre enseigne au logo rouge et blanc (avec une tête de grand-père rassurant, représentant son fondateur Harland David Sanders), voit dans le Sénégal «un marché en expansion».
Aujourd’hui, KFC, la chaîne américaine de restauration rapide, a changé de stratégie de pénétration du marché sénégalais, en abandonnant l’idée d’exporter de la viande de volaille au Sénégal, pour finaliser un accord d’exploitation de franchise avec le géant sénégalais du poulet, Sedima, pour l’ouverture de deux restaurants à Dakar avant fin 2018.
La Sedima sera détentrice à 100% de la franchise sénégalaise alors que l’exploitation des KFC en Côte d’Ivoire, est menée par une co-entreprise entre Vivo Energy Côte d’Ivoire et KFC Baobab Côte d’Ivoire. C’est la première fois que KFC choisit un producteur avicole et non un distributeur, pour porter le développement de son enseigne dans un pays.
“KFC – Sedima, les raisons d’un mariage” – Sene Plus – 31 juillet 2018
Extrait 7
Le groupe agroalimentaire fondé en 1976 par Babacar Ngom (père d’Anta) a obtenu un contrat de franchise nationale auprès de KFC, ce qui lui permet d’être le dépositaire exclusif de la marque au Sénégal. « C’est un rêve qui se réalise pour la petite fille qui s’assurait toujours, quand ses parents revenaient de voyage, qu’ils n’avaient pas oublié de lui ramener un bucket de KFC », a ainsi raconté Anta Babacar Ngom Diack, émue aux larmes, et illuminée par les néons de trois écrans géants aux couleurs rouge et blanche de la marque.
Pour fêter la concrétisation de « ce rêve », la chaîne, qui revendique huit millions de consommateurs par jour dans ses 21 000 restaurants à travers le monde, avait mis les petits plats dans les grands. Quatre heures de discours, de chants, de danses et de prestations pyrotechniques… Des festivités évidemment suivies par une séance de dégustation pendant laquelle starlettes locales et conseillers présidentiels ont pu se rassasier à coup de centaines de barquettes de poulet frit, de burgers et de milkshakes, sous le regard envieux de passants retenus derrière une grille de sécurité gardée par une armée de gros bras.
Une inauguration, chiffrée à quelque 20 millions de francs CFA (plus de 30 000 euros), censée traduire un succès plus global pour l’économie du pays. « Que le Sénégal puisse répondre à des normes exigeantes comme celles de KFC et soit attractif pour des chaînes internationales est la preuve que le pays est en croissance et se développe », justifie Anta Babacar Ngom Diack.
“Sénégal : VIP, poulet frit et polémique sexiste au menu de l’inauguration du premier KFC de Dakar” – Jeune Afrique – 6 octobre 2019