Emeutes urbaines anglaises
Assurément, les émeutes urbaines qui ont eu lieu début août dans plusieurs grandes villes anglaises nous rappellent que la France doit ériger la lutte contre le malaise des banlieues en priorité majeure. Ce défi est aussi celui du Grand Paris : comment permettre une métropolisation “inclusive”, qui se fasse au profit de l’ensemble des populations, y compris les plus vulnérables ?
Pour en revenir à la situation anglaise, elle nous interpelle sur plusieurs points.
1) Premièrement, à nouveau, ces émeutes sont des émeutes urbaines. Cette caractéristique avait été soulignée au sujet du Printemps arabe dans un article très intéressant d’Eric Verdeil dans Métropolitiques : “Villes arabes en révolution : quelques observations”.
Cette spécificité urbaine accrédite l’idée – développée ici – que la loupe urbaine devient la plus appropriée pour analyser les phénomènes sociaux et économiques.
Certes, cette spécificité urbaine n’est pas inédite. Comme le rappelle l’économiste Philippe Chalmin : “En 1848, comme aujourd’hui dans les pays arabes, ce sont les urbains qui se révoltent au nom de la vie chère” : en 1848, “le pouvoir appartient aux rues des villes. Ce n’est qu’à la fin du XIXème siècle, avec le développement du suffrage universel, que le pouvoir va revenir aux campagnes. Avant les mouvements de 1848, la tension sur les prix alimentaires affecte le prolétariat urbain. La situation est globalement comparable à celle de 1789 quand le peuple de Paris a faim.” (Enjeux Les Echos – Juillet-août 2011 – pages 26 à 28)
2) Deuxièmement, il est notable que “les pires saccages de ces derniers jours ont eu lieu non pas dans les banlieues les plus déshéritées, comme en France il y a six ans, mais dans ces quartiers ” mixtes ” qui sont la norme à Londres et où se côtoient des communautés sociales et ethniques très diverses. Tout se passe comme si le creusement, parfois vertigineux, des inégalités sociales avait cruellement mis à nu les limites de cette cohabitation”. (“Totenham-Clichy, les révoltés du “no future” – Editorial du Monde – 12 août 2011). Cela interroge ainsi sur le lien entre “proximité spatiale et distance sociale” (selon le titre du fameux article de Jean-Claude Champoredon et Madeleine Lemaire). Cela pose aussi la question de la pertinence des coupes budgétaires dans les dépenses publiques sociales, dans un contexte de crise économique.
3) Enfin, la dimension technologique des révoltes interroge. The Economist évoque “the Blackberry riots”. Dans le Monde, le professeur à la LSE Rodney Parker souligne que “les émeutiers d’aujourd’hui se sentent socialement exclus mais techniquement intégrés grâce aux nouveaux moyens de communication”. Ce qui ouvre à des collaborations inédites entre la police anglaise et la société Research In Motion (RIM) qui produit le Blackberry.
The fire this time – The Economist – August 13th 2011
The Blackberry riots – The Economist – August 13th 2011
L’Angleterre craint de basculer dans un scénario d’affrontements ethniques – Le Monde – 11 août 2011
Londres, un modèle de mixité urbaine fragilisé par la crise économique – Le Monde – 11 août 2011