Définir le trottoir !

Décidément le trottoir n’en finit pas de faire la une de l’actualité ! (ou bien, c’est une déformation #ObsessionTrottoir qui fait qu’on le voit partout !)

Extrait :

“C’est un appel au secours des piétons”, s’alarme lundi 28 novembre sur franceinfo Geneviève Laferrère, membre du Conseil national de la Sécurité routière, au sein duquel elle représente la Fédération française des usagers de la bicyclette (Fub). Elle dénonce le fait que les piétons ont de moins en moins d’espace pour marcher, “à cause des motos, des poubelles, des panneaux de signalisation” et exhorte les pouvoirs publics à “définir le trottoir”, aujourd’hui devenu “la portion congrue”.

“Aujourd’hui, dans le code de la route, le trottoir n’existe pas, il est défini par ce qui reste”, regrette Geneviève Laferrère, tout en dénonçant le fait que ce qui reste, parfois, ne laisse pas assez de place à une personne avec poussette et enfant. Elle réclame également “une vigilance accrue” de ce qui se passe sur les trottoirs par les collectivités territoriales, notamment vis-à-vis des trottinettes électriques. Geneviève Laferrère propose de l’interdire aux mineurs, comme c’est déjà le cas dans la ville de Lyon.

Le trottoir, “un refuge” pour les vélos

Lorsque les zones à faible émission se développent dans les grandes villes, pour en limiter l’accès aux véhicules les plus polluants, le Conseil national de la Sécurité routière appelle à remettre la marche au centre, “une marche qui soit sereine”, là où elle est actuellement “un handicap” en “concurrence” avec les autres modes de déplacement comme la trottinette et le vélo qui “viennent se réfugier sur le trottoir parce qu’on n’a pas osé prendre assez de place à la voiture”.

Selon elle, il faut se poser la question de l’absence de pistes cyclables et la question de leur “largeur”. “Il y a des pistes cyclables qui sont trop étroites par rapport au nombre de cyclistes”, affirme la représentante de la FUB. “Le trottoir devient un refuge, et ce n’est plus possible”, déplore-t-elle.

Vidéo ici

Merci à Commute de Paris de nous avoir signalé cette actualité, et de renvoyer à notre “podcast avec chansons“.

A noter que la même demande de définition avait déjà été soulevée dans le cadre de la démarche “code de la rue” initiée en 2006.

Le Décret n°2010-1390 du 12 novembre 2010 portant diverses mesures de sécurité routière abordait également la question du trottoir. Ce décret se situe dans le prolongement des mesures du décret n°2008-754 du 30 juillet 2008 visant à favoriser l’existence des différents usages de la rue

Cette demande de définition du trottoir avait aussi ressurgi en novembre 2018 au moment du vote de la loi d’orientation des mobilités (LOM) concernant la circulation des “engins de déplacement personnel”. Elle avait été à nouveau formulée en 2019 par l’Association “60 millions de piétons”

La proposition était notamment que, via la Loi LOM :

Le titre premier du livre Ier du code de la route est complété par un article L 110-4 ainsi rédigé : « Un trottoir est une partie de la route spécifiquement affectée à la circulation des piétons, distincte de la chaussée et de tout emplacement aménagé pour le stationnement. Sa limite est repérable et détectable.”

Elle demandait aussi que le trottoir soit défini dans le Code de la route à l’article R110-2. Ci-dessous, cet article R110-2 du Code de la route – sans cette intégration donc du mot “trottoir” :

Voir également : la fiche trottoir sur un site relatif à la sécurité routière.

Si cette demande de définition juridique concerne les usages du trottoir, on notera que l’objet urbain qu’est le trottoir n’est pas non plus défini dans le Code de l’urbanisme (il s’assimile à un équipement d’infrastructure). Quant au Code de la voirie routière, il parle de “dépendances de voiries”.

En ce qui concerne la régulation des occupations du trottoir, il faut se référer (même si à nouveau le trottoir n’est pas abordé en tant que tel) au Code général de la propriété des personnes publiques (qui encadre par exemple les conventions d’occupation du domaine public) et aux pouvoirs de police du maire. Voir notamment à ce sujet la vidéo réalisée par le cabinet Landot et associés :

 

Voir également notre article dans la revue Esprit : Gouverner le trottoir. On y rappelait que le trottoir était décidément mal-aimé. Par exemple, le dictionnaire de référence sur les mots de la ville, “L’aventure des mots de la ville” (sous la direction de notamment de Christian Topalov. Collection Bouquins chez Robert Laffont. Merci à Claire Juillard de nous l’avoir signalé), comprend 264 mots, mais le trottoir, qui aurait dû se trouver entre “town” et “truscoba” (mot russe signifiant “coin perdu”), n’y figure pas !

 

NB : on vient de découvrir l’outil de Google Ngram Viewer. On n’est pas complètement sûre de bien encore le maîtriser (quelques mini-modifications ont entraîné d’importants changements dans les graphiques), mais voici quelques courbes qui montrent : l’emploi du mot “trottoir” versus celui, plus récent, d'”espace public”, et le regain du mot “trottoir” ces dernières années. La base de Google est un corpus de livres, dont on ne sait pas la composition.

“Trottoir” depuis 1800

Zoom sur la période récente (qui s’arrête en 2019)

“Trottoir” et “espace public”