Comment dit-on trottoir en roumain ?
Après le “trottoir” néerlandais (ici), voici le “trotuare” roumain !
Extrait de la critique parue dans le numéro 1186 de la revue “Observtor Cultural”, de Bogdan Ghiu.
Am început săptămîna trecută să vorbesc despre trotuare. Adică despre ceva care nu se vede, dar care este deosebit de important, vital chiar. Astfel privind lucrurile, am putea spune că trotuarele sînt asemenea aerului: acesta nu se vede, dar se respiră, așa încît trebuie să fim atenți la ce deversăm, la ce revărsăm în el. Altfel spus, la poluare.
Și, pentru că tot veni vorba, chiar mi se pare că trotuarele sînt ca aerul, sînt aerul – pe cît de nevăzut, de (fals) transparent, pe atît de plin, adică de poluat, și de important – al orașelor. Să repet, deci, ca să fixex ideea: trotuarele sînt aerul orașelor. Pe cît de invizibile și de nebăgate în seamă, de mascate de propriile noastre obișnuințe și rutine zilnice, pe atît de disputate, de pline, de agresate, de poluate – deci pe atît de importante, de strategice chiar.
Ce-ar fi, deci, „dacă trotuarul ar fi obiectul urban care incarnează cel mai bine mutațiile orașelor?”, se întreabă, undeva, la începutul cărții sale, Trottoirs! Une approche économique, historique et flâneuse (Trotuare! O abordare economică, istorică și hoinară), Isabelle Baraud-Serfaty.
L’article est à lire ici, ainsi qu’un précédent article, qui fait suite à la table-ronde organisée par Futuribles, avec Jean Haëntjens (replay : ici).
Traduction des articles via Google Translate :
Article le plus récent :
La semaine dernière, j’ai commencé à parler des trottoirs. C’est-à-dire quelque chose qui ne se voit pas, mais qui est particulièrement important, voire vital. En regardant les choses sous cet angle, on pourrait dire que les trottoirs sont comme l’air : il n’est pas visible, mais il est respiré, il faut donc faire attention à ce qu’on renverse, à ce qu’on y verse. Autrement dit, à la pollution.
Et, parce que cela revient sans cesse, il me semble vraiment que les trottoirs sont comme l’air, ils sont l’air – aussi invisible, (faussement) transparent, aussi plein, c’est-à-dire pollué et important – des villes. Je le répète donc pour fixer l’idée : les trottoirs sont l’air des villes. Aussi invisible et ignoré, aussi masqué par nos propres habitudes et routines quotidiennes, aussi contesté, complet, attaqué, pollué – si important, voire stratégique. Et alors, « si le trottoir était l’objet urbain qui incarne le mieux les mutations des villes ? », se demande-t-il, quelque part au début de son livre Trottoirs ! Une approche économique, historique et flâneuse, Isabelle Baraud-Serfaty.
J’ai commencé à vous parler la semaine dernière de la découverte de cette recherche substantielle et passionnée, de 316 pages, absolument récente, publiée en mai 2023, aux éditions Apogée à Rennes. Et je vous disais que je l’ai commandé immédiatement, automatiquement, et que je l’attends. Entre-temps, il est arrivé et j’ai commencé à le lire. Et quelque part au début, je suis donc tombée sur cette hypothèse de travail tout à fait inattendue mais passionnante : et alors, « si le trottoir était l’objet urbain qui incarne le mieux les mutations des villes ? Aussi proche que possible, aussi invisible. “Regardez le ciel !”, peut-on encore voir écrit sur certains murs de Bucarest. Et si le ciel urbain était en réalité le trottoir ? “Regardez les trottoirs”, “Regardez le trottoir” – et vous pourrez voir à la fois le passé, la mémoire, des parties de la mémoire de la ville, entremêlées de mémoire personnelle, mais surtout le présent de la ville, la façon dont nous vivre maintenant et, déjà, comment – nous pourrions finir par vivre dans un avenir immédiat – qui, précisément sur cette peau la plus sensible que sont les trottoirs, peut être lu, déchiffré, prédit comme un symptôme.
Les trottoirs sont donc à considérer comme l’air, le ciel et la peau, l’épiderme le plus sensible de l’espace urbain. La ville se voit, se ressent, la vie urbaine se ressent mieux en regardant les trottoirs. Ou, encore plus étroit, plus banal, plus surprenant, plus révélateur – regardant, depuis les trottoirs, la bordure, les bordures, cet hyper-trottoir, la partie la plus « trottoir » des trottoirs.Dans une série, dans une suite, sinon en cascade, dans une dérive (et nous verrons l’importance de ce mot par rapport aux trottoirs) d’équivalences métaphoriques, voire métonymiques – destinées à nous rendre le plus sensible possible, plus intelligible, plus proche de la position stratégique, tant sur le plan économique que civique et cognitif, dans le sens de l’introspection et de la connaissance de soi urbaine, des trottoirs – je dis donc que ce sont (comme : entre parenthèses) l’air, le ciel et la peau, l’épiderme le plus sensible de l’espace de la vie urbaine, qui réagit immédiatement en nous donnant les symptômes les plus précoces, les plus immédiats, donc les plus utiles sur le présent et surtout le futur immédiat des villes, c’est-à-dire du sens de les mutations qui l’affectent et du genre dans lesquelles va évoluer (ou impliquer) notre propre vie dans les villes, à la ville, en tant que ville.
La ville se lit donc de manière dynamique dans ses évolutions, mieux dans/à travers ses trottoirs. Ceux-ci constituent le point ou domaine clinique le plus important, cognitivement et politiquement stratégique, qui, grâce à la recherche, à travers le simple regard duquel nous pouvons émettre des diagnostics et formuler des traitements concernant notre propre vie en tant que ville, en tant que ville que nous sommes tous ensemble. Marcher sur le trottoir – ou ne pas pouvoir marcher, comme un piéton, c’est-à-dire sur le trottoir – signifie pouvoir voir où va la ville elle-même, où nous la traînons, où elle nous entraîne – en bref, où nous allons comme, je le répète, une ville que nous sommes tous inévitablement, même si cela ne nous plaît pas, ensemble. Parce que, peut-être, les trottoirs sont, en ce moment, le lieu dans lequel et à travers lequel nous courons ensemble, tous, mais plutôt les uns des autres. Ce qui brise évidemment la ville, la pousse, la soumettant à d’insupportables macro- et micro-tensions, vers une impasse, dans une impasse (pour reprendre certains termes du vocabulaire urbain).
Je reprends donc le travail d’Isabelle Baraud-Serfaty, hypothèse de recherche issue de son livre Trottoirs ! Une approche économique, historique et flâneuse : et si « le trottoir était l’objet urbain qui incarne le mieux les mutations des villes ? ». Mais si (je continue plus loin), en rétrécissant encore plus l’angle, en focalisant encore plus drastiquement, plus dramatiquement, plus vertigineusement, plus précisément, plus concrètement, depuis tout le trottoir, nous devrions regarder, prophétiquement, comme dans une sphère énigmatique, les trottoirs ?
Article précédent :
Et l’une des « cibles » toujours de la photographie est justement la ville, plus précisément la rue, et plus précisément le trottoir. Les trottoirs, espace urbain par excellence, invention de la civilisation occidentale dont nous prétendons faire partie, sont, à l’heure actuelle, les plus menacés, étant une espèce en voie de disparition, avec leur « habitant », le piéton : le piéton en bonne santé. et l’homme actif debout, l’homme bipède qui avance, avance, marche en avant. Villes sans trottoirs, ou espace urbain en voie de « dé-civilisation », symptôme et terme d’une grande pertinence et extrêmement controversé – ce n’est pas un hasard. Le trottoir, les trottoirs, je le répète, comme partie de l’espace urbain emblématique de tout ce que signifie ville, notamment ville européenne, moderne, occidentale, civilisée. Et cela d’autant plus ici et maintenant, dans les villes de Roumanie, mais surtout à Bucarest, qui reste et continue, mais en elle, la ville disparaît, la rue et le trottoir deviennent l’autoroute et la piste cyclable du commerce néolibéral dématérialisé. Le début d’une analyse. La ville est vidée de son sang, la société, le peuple, détournés, réduits à devenir une autoroute et, au lieu des trottoirs piétonniers socialement indispensables, structurants, urbains et sociaux, une piste cyclable pour les coursiers venus de l’étranger comme esclaves, néo-« peuple au pousse-pousse » du néolibéralisme numérique venu de nulle part, Saint-Esprit du Dieu unique, le Capital. Le siège de Bucarest : d’un côté, les soi-disant « promoteurs immobiliers », qui occupent l’espace sédentaire en matérialisant, éliminant l’air, c’est-à-dire précisément l’espace, de l’autre côté, le capital « immobile » et dématérialisé, qui « s’évapore », qui « fait exploser ce qui reste. Bucarest assiégé. L’importance stratégique des trottoirs, donc, tant au premier niveau, de ceux qui la contestent, qu’au deuxième niveau, de la connaissance, les trottoirs étant, comme je l’ai dit, le révélateur le plus concret et le plus immédiat des principaux conflits de fonds politiques actuels. Mon insistance sur le trottoir pourra paraître à certains exagérée ou « poétique », autrement dit belle, intéressante, mais sans importance, hors de propos – une « absurdité », une « mode ».
Trottoirs : aussi invisibles et dérisoires, apparemment sans importance et d’une évidence aveuglante qu’ils paraissent, ils constituent – je le souligne et je le répète – le point, le lieu le plus concret et le plus immédiat de la principale lutte politique structurelle et fondamentale de notre époque : celle entre la matérialité et la dématérialisation, c’est-à-dire entre le « corps » humain des sociétés et « l’esprit » ou, pour mieux dire, l’« esprit » obsédant du Capital, fantôme intrusif et constamment affamé, littéralement vampirique (quoique vidé de son sang, si avide de sang vivant, pour la vie), du capitalisme néolibéral dématérialisé et dématérialisé – dévitalisant. Alors, le moment est venu de prendre le taureau par les cornes, de poser le doigt pour voir à quel point ça fait mal et à quel point ça fait mal, sur ce point apparemment inoffensif, invisible, sans importance : le trottoir. Dans le cadre de ma chronique quotidienne à Radio Roumanie Culturelle, cet automne je suis arrivé sur les trottoirs de la manière la plus naturelle, en partant de la photographie, le trottoir, la rue étant l’un des terrains, des champs et, en fait, des laboratoires du grand photographe du 20ème siècle, jusqu’à aujourd’hui. La photographie étant, je tiens à rappeler cette conclusion “étape” qui est la mienne, l’art le plus avancé aujourd’hui, l’art le plus avancé aujourd’hui, un des derniers arts à la fois critique et expérimental. Avec lui, il faut donc travailler, opérer, étant donné qu’il isole les « zones critiques » et « bloque les cibles les plus stratégiques » qui doivent, aujourd’hui, être « observées ».
Eh bien, ce serait bien si c’était comme ça, mais ce n’est pas le cas. Et je suis heureux de recevoir une confirmation de mon intuition simple et civile, d’un homme qui veut rester debout et en perpétuel mouvement, c’est-à-dire avec la tête sur les épaules et les pieds sur Terre (avec un grand P).
Il s’agit d’un livre nouvellement paru, en mai 2023, de 315 pages, extrêmement riche, intitulé Trottoirs ! Une approche économique, historique et flâneuse Une approche économique, historique et itinérante, Vagabond, vagabond ou ‘Vagabond’, ambulant], rédigé par la chercheuse Isabelle Baraud-Serfaty et publié aux éditions Apogée à Rennes, France.
Le livre d’Isabelle Baraud-Serfaty sera probablement, estime Jean Haëntjens, un ouvrage de référence sur la problématique des trottoirs, « cette partie de l’espace public qui est en principe réservée aux piétons, mais qui, en fait, est occupée par une multitude d’autres usages – commerciaux, techniques, sociaux, culturels, etc. – et est devenu l’objet de nombreux amours ». “Le livre commence par une histoire passionnante des trottoirs montrant que leur statut a considérablement évolué au fil des siècles. Les trottoirs seraient apparus dans quelques villes de la Turquie actuelle dès 2000 avant JC, puis sporadiquement dans quelques villes grecques, avant d’être adoptés à partir du IIe siècle avant JC dans les villes romaines, dont la célèbre Pompéi. Ils furent ensuite longtemps oubliés au Moyen Âge, lorsque les rues en terre battue servaient d’égouts à ciel ouvert, avant d’être redécouverts par les Anglais après l’incendie de Londres en 1666. Au XIXème siècle, ils devinrent l’un des principaux outils de l’hygiène urbaine, telle que mise en œuvre à Paris par les équipes du Baron Haussmann. Au XXe siècle, les trottoirs ont été abandonnés par les urbanistes modernes, qui ont préféré les dalles piétonnes, avant de retrouver leur charme avec la redécouverte du cœur de ville et la réhabilitation de la promenade.” Par la disparition, en pratique, des trottoirs à Bucarest, c’est-à-dire par leur invasion par autre chose que des piétons, par un usage piéton, Bucarest, ville du XXIe siècle, revient ainsi typologiquement au Moyen Âge. Et surtout ça vient d’Europe.
Pour feuilleter “Trottoirs !”, c’est : ici.