“Ce que l’absence de trottoirs nous dit du Liban” [Courrier International]
A lire dans Courrier International du 18 août 2023 :
Extraits :
“L’incurie, le sous-développement et l’injustice sociale ont de nombreux visages au Liban.” Et l’un de ces visages, c’est “le manque criant d’espaces publics et de trottoirs dans un grand nombre de rues et de quartiers”, lance cet universitaire en introduction d’un article publié par le site panarabe Raseef22 – en arabe, le mot “raseef” signifie d’ailleurs “trottoir”.
Il suffit de se promener dans les rues de Beyrouth et des autres villes du Liban pour le constater. Souvent, les trottoirs sont utilisés comme “parkings pour voitures et motos” ou cannibalisés par les commerces, restaurants et cafés, qui ne laissent “pas assez d’espace aux piétons”. La circulation est parfois gênée par des arbres, plantés en plein milieu.
Les trottoirs au Liban sont par ailleurs particulièrement étriqués. Dans un grand nombre de quartiers, on trouve des accotements, pavés ou non, dont la largeur est inférieure à 40 centimètres (en France, les trottoirs doivent mesurer 1,20 mètre au minimum), voire pas du tout de trottoirs.
Pour Raseef22, la présence ou non de trottoirs est le marqueur d’“une distinction à forte dimension de classe entre les quartiers riches, habités par les capitalistes et les fortunés, et les quartiers marginalisés, abritant les classes populaires et les pauvres”. Le titre enfonce le clou : “Si certains pensent que ce problème est dû à la simple absence de politiques publiques ou de plans d’urbanisme, alors ils sont crédules et trompés, car il s’agit d’une politique en soi.”
Pour l’auteur de l’article, l’absence de trottoirs dans les quartiers défavorisés et la privatisation d’une partie d’entre eux par les commerces s’inscrit dans le sillage de la prédation des espaces publics opérée par “les classes dirigeantes” formées par le personnel politique et l’élite économique du pays.
Pis, elles sont “indifférentes” aux classes populaires, auxquelles il ne faut surtout pas offrir d’espaces publics pour se rencontrer, échanger et dialoguer, “car cela ouvrirait peut-être la voie à des mouvements de contestation”.