“Ce monde me rend fou” : faut-il trainer sur les trottoirs ?
« Le #trottoir a la côte, il est « IN » ! ». Dixit Christophe Bourseiller ce matin sur France Inter dans « ce monde me rend fou » ! Allez, « take a walk on the wild side” !!
Pour écouter la chronique (et la lire en version légèrement différente), c’est : ici.
Chansons évoquées : Lou Reed, “Take a walk on the wild side” ; Michel Sardou, “Les villes de grande solitude” ; Bill Deraime, “Babylone, tu déconnes“.
Pour feuilleter “Trottoirs !”, c’est : là.
Texte de la chronique :
Christophe Bourseiller nous parle aujourd’hui du trottoir. Parce que lorsqu’un jeune homme ou une jeune fille explique à ses parents qu’il ou elle veut embrasser un métier du spectacle, il ou elle s’attire en général le commentaire : “n’y va pas, tu finiras sur le trottoir”.
Je viens d’achever une somme scientifique de haut vol, signée Isabelle Baraud-Serfaty et intitulée “Trottoirs” !
Une approche économique, historique et flâneuse. Fondatrice d’une agence de conseil en économie urbaine, elle remarque en effet que le trottoir n’a pas bonne presse.
Avouons-le, quand on fait le trottoir en général, c’est qu’on traverse une mauvaise passe, et l’on identifie trop facilement le trottoir à la prostitution.
Alors, commençons par le commencement : est-il possible de définir le trottoir ?
Selon le dictionnaire Larousse, le trottoir est “la partie latérale d’une rue, surélevée par rapport à la chaussée, et réservée à la circulation des piétons”. Isabelle Baraud-Serfaty observe dans la foulée que les premiers trottoirs sont apparus au XXème siècle avant Jésus Christ, 2000 ans avant JC, dans la partie basse de la ville de Kültepe, en Turquie. Vous voyez donc que le phénomène n’a rien de récent.
Dans tous les cas de figure, le trottoir c’est un surgissement urbain, ou périurbain. Il y a peu ou pas de trottoirs dans les villages.Ensuite, le trottoir sépare symboliquement le domaine privé du domaine public. C’est un sas.
Et puis, le trottoir a quelque chose d’immuable. Regardez les villes. Les boutiques changent, les trottoirs restent.Et pourtant, les trottoirs changent aussi ?
De nos jours, les trottoirs sont de plus en plus végétalisés. Ils accueillent des bornes de recharge pour véhicules électriques, des sanisettes, des abribus connectés. Il existe même, parait-il, en Finlande et en Suède des trottoirs chauffants. Enfin, le tapis roulant du métro n’est-il pas d’une certaine façon un trottoir roulant ?
Alors même que la voiture dans les villes se voit de plus en plus combattue, le trottoir s’élargit, il a la cote. Il est in.
Pour lire l’avenir des villes, regardez le trottoir ! Mieux encore, comme l’explique avec talent Isabelle Baraud-Serfaty : “En tant que composante de l’espace public, le trottoir est fondamentalement considéré comme non-marchand, libre d’accès et gratuit”.Il y a pourtant des gens qui travaillent sur les trottoirs ?
En effet, il y a un monde fou sur les trottoirs : des prostitués, des mendiants, sans oublier les boutiques, les cafés, les restaurants, qui déploient leurs étals ou leurs terrasses. Il faut dire que sur les trottoirs, on se bouscule.
Voici des piétons, mais aussi des poussettes, des livreurs, des trottinettes, des vélos, des motos.
Et je n’oublie pas les enfants qui courent, les adultes pressés, les gamins qui jouent, les ivrognes qui se battent, les pickpockets et les policiers, les pompiers qui interviennent, les musiciens et chanteurs de rue, les ambulanciers qui fendent la foule.
Après tout, c’est sur le trottoir qu’on dessine une marelle, une œuvre d’art ou un slogan vengeur.J’ajouterais enfin que sur les trottoirs, on côtoie aussi un grand nombre d’animaux : des chiens, des chats, des souris, des rats, parfois des perruches ou des perroquets, le plus souvent des pigeons, des corbeaux, des corneilles, des mouettes, bref les trottoirs de nos ville de grande solitude, c’est Babylone, tu déconnes, avec en prime les déjections animales.
Alors on a tendance à mépriser le trottoir et c’est bien triste.
Comme le dit de façon classieuse Milan Kundera et ce sera mon épilogue : “(…) Le remplacement des trottoirs par ces minces passerelles surpeuplées (…) où il est impossible de flâner, de faire halte, de marcher côte à côte, a transformé la notion même de la ville, du quotidien, des promenades, des rendez-vous, du plaisir de vivre”.
Et aussi :
Critiques et interviews
“Arpenter l’urbain” – Le Monde des livres – 20 mai 2023
“Les trottoirs, cet objet urbain insoupçonné” – Le Courrier des maires – Juin 2023
“Le livre qui vous fera changer de regard sur les trottoirs” – L’Express – Du 7 au 13/9/2023
“Le livre du jour” – Les Echos – 2 octobre 2023
Critique dans Futuribles – Sept./octobre 2023
WE demain – Septembre 2023
“On peut lire l’avenir de la ville dans les lignes des trottoirs” – Site internet d’Usbek et Rica – Août 2023
“Le trottoir est l’espace de la démocratie” – Le Comptoir – Septembre 2023
“Wil je de toekomst van de stad kennen, kijk dan naar de trottoirs »” – Bruzz – 29 novembre 2023
“Trotuarui si bordura; mutatiile si viitorul oraselor” – Observator Cultural – 29 novembre 2023
Replays ou podcasts
« Book Club » – France Culture – 30/5/2023
« Géographie à la carte » – France Culture – 8/6/23
« L’urbanisme demain » – France Inter – 28/5/23
« 28 minutes » – Arte – 2 juin 2023
“Qui fait le trottoir ?” – Ainsi va la ville – Septembre 2023
“La place du piéton” – Fondation Jean-Jaurès – 6/11/2023
“Les trottoirs, miroirs de la société de demain” – Futuribles – 15/11/2023
A écouter aussi : Sabine Barles répondre à une question des P’tits bateaux : “Maman, comment les trottoirs ont poussé ?”