Bonne année 2025 !

Bonne année 2025 ! Avec des urbanistes qui peignent des traits d’union pour aller joyeusement à la rencontre de l’autre, et de la neige, parce que, parfois, trente centimètres de neige étouffent tous les bruits et arrondissent tous les angles.

« Urbaniste peignant des traits d’union » : l’illustration sous la neige a été dessinée par Lilas Ozanne pour l’autobiographie scientifique que j’ai rédigée dans le cadre de ma nomination au Grand Prix de l’urbanisme 2024. Elle figure désormais dans La ville à l’usage, l’ouvrage consacré à la lauréate, Claire Schorter (félicitations et merci à nouveau !).

Où va la neige des villes quand le blanc fond ? Un voyage au Québec en février 2024 (à l’occasion d’une invitation à donner la conférence « Sous la neige le trottoir ») a été une prise de conscience : dans toutes les villes réchauffées, des sujets auparavant techniques deviennent politiques, a fortiori lorsque les finances municipales fondent elles-aussi. L’exemple du déneigement à Montréal offre ainsi une rafraîchissante illustration des liens entre changement du climat, formes urbaines, modes de vie, et évolution de la ligne de partage public/privé dans la prise en charge des services urbains (cf. article « Où va la neige… » dans AOC du 16 décembre 2024). Quelle doit être la « proposition de valeur » (quel niveau de service, pour qui, avec quelle finalité ?) des services urbains dans des villes réchauffées ? Comment doit évoluer ce qui relève de la municipalité, du collectif ou de l’individu ? Si, à Montréal, cette question est aussi anthropologique (« Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’hiver », de Gilles Vigneault – cf. aussi la chanson “Demain l’hiver” de Robert Charlebois – à écouter ici), ces questions traversent toutes les géographies. De ce côté-ci de l’Atlantique, c’est peut-être autour d’un « service public du rafraîchissement », voire d’un « service public de l’ombre », que les municipalités devront se positionner. Ou encore, autour de l’entretien du végétal en ville, avec une question : de quelle couleur sera la ville verte ? (chronique prospective pour Futuribles. Selon certains, d’ailleurs, quand la neige fond, le blanc disparaît dans… le perce-neige).

(vue iconique de Montréal depuis le Belvédère Kondiaronk. Oh mais elle se trouve dans un billet du 1er avril !)

Qu’est-ce qui doit ou peut être mis en commun, à quelles échelles, à quelles étapes ? Avec quelles évolutions selon les époques et les géographies ? Ces questions sont au cœur du « défi du partage » (cf. le texte que j’ai écrit pour le Grand Prix d’Urbanisme et qui figure donc désormais dans l’ouvrage La ville à l’usage) et plus largement de la pratique d’ibicity (voir ci-dessous). Ce détour par la neige canadienne s’inscrit par ailleurs dans l’approche « pas de côté » (cf. vœux 2022), indispensable pour éviter le piège de la « vérité » et questionner les imaginaires urbains.

Les imaginaires urbains correspondent à des représentations plus ou moins collectives de ce que sera ou doit être la ville demain. Ils orientent, souvent inconsciemment, la manière dont les élus et ceux qui fabriquent les villes agissent, et ont donc des effets très directs sur la matérialité des villes. Or l’histoire environnementale démontre que lorsqu’on rentre dans un monde nouveau, on le pense avec les lunettes du monde qu’on est en train de perdre : le peintre hollandais Frans Post, qui fut le premier Européen à représenter des paysages du Nouveau-Monde et notamment du Brésil, les peignit pendant dix ans comme s’il s’agissait de villes hollandaises (cf. l’intervention de Grégory Quenet lors d’un séminaire Futurs de villes organisé par Futuribles). De la même manière, on continue à penser le financement des services urbains et des infrastructures avec les lunettes du monde d’avant : cf. le prochain livrable de notre étude sur « Les modèles économiques des services urbains au défi de la sobriété » (réalisée avec Espelia et Partie Prenante, financée par l’Ademe, le PUCA, la Banque des Territoires) et un article à venir dans Futuribles sur les nouveaux imaginaires du financement des services urbains.

Avec quelles lunettes fait-on la ville ? 2025 marque le centenaire du livre Urbanisme, paru en 1925, de l’architecte Le Corbusier (qui porte les lunettes de gauche). Il y écrivait, en plein milieu d’une page blanche : « Où irez-vous prendre l’argent ? (Depuis 1922, question stéréotype) ». La réponse qu’il apportait (« bâtir sur 60 étages » !) est certes à l’antipode d’approches actuelles (ne plus bâtir – cf. la couverture du numéro de la revue d’Architectures décembre 2024 : “Faut-il arrêter de construire ?”), mais cette question, stéréotype donc désormais depuis plus de 103 ans, rappelle utilement que le financement d’un projet urbain est une question de formes urbaines, de prix des logements, de mixité programmatique. Il est politique ! Ainsi, l’économie ne doit pas être en dehors de l’oeuvre (au sens maîtrise d’oeuvre), elle en est en elle-même une composante à part entière. Ma conviction : les urbanistes doivent se saisir de l’économie au même titre que les autres conditions du projet, avec la même créativité.

Preuve d’ailleurs que la créativité permet de sublimer les tableaux excel, cette illustration réalisée par Damien Bauza et Pedro Cardoso, qui accompagne l’étude réalisée par ibicity pour et avec Idheal, publiée en janvier 2024 : « Transparence sur les ZAC » (ou « Jusqu’où l’acquéreur de logement neuf finance-t-il son quartier, son voisin et la non-artificialisation ? »). Ou l’économie des projets urbains comme un mikado à manier avec adresse.

Enfin, pour finir, regardez avec attention les flocons de neige de la carte de vœux. Y repérez-vous un flocon qui a une aire finie mais un périmètre infini ? Le flocon de Koch, une fractale, a été notre révélation de fin 2024 (voire fixette ! Qu’importe le flocon, pourvu qu’on ait l’adresse), depuis qu’on l’a découvert par hasard pour illustrer une manière de travailler l’hybridation sectorielle à des échelles élargies (cf. l’intervention d’ibicity lors de la table-ronde sur le métabolisme urbain organisée par Claire Schorter le 18 décembre). En 2025, on attrape les flocons !

[Vidéo] Le flocon de Koch, une figure fractale – Khan Academy – 15’55 – Flocon de Koch sur WikipediaDémonstration aire finie, périmètre infini

En 2025, y’a ka, flocon ! Après une année 2024 qui, en France comme ailleurs, n’a pas été la plus réjouissante, ibicity vous souhaite une bonne année 2025, pleine de curiosité en guise d’optimisme !

Il neige !!

(si la version GIF marche sur votre navigateur. Si la neige ne tombe pas, il suffit de cliquer sur le bouton lecture ci-dessous, et il neigera !)

oooOooo

Un rapide bilan de l’année 2024 pour ibicity

ibicity est une agence de conseil en économie urbaine qui combine une approche opérationnelle, réflexive, exploratoire et semeuse. Prochain « carnet d’économie urbaine » à paraître bientôt !

Après avoir été pendant trois siècles une non-couleur, le blanc est désormais une couleur (Blanc, histoire d’une couleur, de Michel Pastoureau). Haute en couleurs, 2024 l’a été pour ibicity, avec, entre autres, quelques « premières » : une participation à Zoom Zoom Zen sur France Inter (800.000 auditeurs en direct) et à la Radio Télévision Suisse, un TEDx à l’Opéra de Tours, une nomination comme professeur affiliée à Sciences Po, une intervention aux côtés du président-maire de Montpellier (qui s’est présenté comme « le maire des trottoirs » !), une expédition urbaine à Oslo avec La Fabrique de la cité (think tank financé par Vinci dont ibicity est membre du Comité d’orientation) et … une réunion dans les locaux de l’Union Syndicale Solidaires Paris à l’occasion de la projection du film « Transitions sous tension » sur le plus grand projet de mine de lithium en Europe (cf. notre billet « Lithium In My BackYard » avec une approche Nimby qui a encore accru les questionnements exprimés dans nos vœux 2024).

Egalement ibicity a continué à intervenir dans des conférences ou webinaires (24 en 2024 !), animé deux séminaires Futurs de villes pour Futuribles (un prochain a lieu fin janvier), et publié cinq articles (dont un premier article sur la cartographie : « la cartographie au défi de Google Maps », ou lorsque ce n’est plus le Nord qui oriente la carte mais le modèle économique), participé comme « experte » sur le financement d’un projet « démonstrateur de la ville durable », etc.

Surtout, ibicity a poursuivi ses missions de recherche exploratoire (déjà évoquées ci-dessus) et missions de conseil opérationnel, avec notamment : une mission d’audit de ZAC en Ile-de-France pour Grand Paris Aménagement (poursuite d’une précédente mission d’il y a deux ans), une mission de sectorisation du bilan d’une ZAC autour d’une gare du Grand Paris, la constitution d’un carnet de références pour EpaFrance-EpaMarne illustrant les mutations du métier de l’aménageur, une étude d’opportunité pour la création d’un fonds d’investissement pour la requalification des sites d’activités économiques pour la Région Ile-de-France, une intervention pour la Banque des Territoires sur les montages en dissociation foncier-bâti, une mission pour Euroméditerranée sur le montage économique et juridique de parkings silo sur le Canet. Merci à nos clients pour leur confiance, l’intérêt des sujets et la manière d’y travailler ensemble.

Si ibicity communique peu sur ces missions en tant que telles, elles sont le moteur (ou le vent dans l’éolienne) d’ibicity, à la fois pour contribuer sur le fond aux dimensions réflexives et exploratoires d’ibicity, et aussi permettre leur financement. Pour répondre à une question qui nous a été récemment posée, le modèle économique d’ibicity repose entièrement sur ces missions rémunérées, et pas du tout sur notre activité d’enseignement (qui reste marginale en volume horaire de cours, et dont la rémunération est inversement proportionnelle à la satisfaction retirée). ibicity autofinance donc elle-même une grande partie de ses publications, interventions, veilles et recherches… grâce aux clients qui lui confient des missions. Merci à eux !

Dans nos projets-envies pour 2025 : réaliser des « maquettes économiques de l’espace public (fabrication + fonctionnement) » pour des collectivités locales (parce que, comme l’a rappelé Alexandre Labasse, directeur de l’APUR, “il n’y aura pas de transformation de l’espace public, plus généreuse, plus ouverte, plus paisible, plus douce, s’il n’y pas de modèle économique derrière”), continuer à participer au montage de projets urbains, contribuer au “défi du partage”, effectuer des missions à l’étranger (sur la neige, le financement de l’espace public et l’urbanisme, les infrastructures d’évacuation des eaux pluviales,…), poursuivre les « sidewalk studies » entamées avec l’INRS du Québec, travailler sur la cartographie, aller à Kiruna pour voir, de visu, une mine sous la neige dans une ville qui se déplace. Entre autres !

 

Les lunettes de Jane Jacobs

Les lunettes de droite ci-dessus renvoient à celles de l’urbaniste Jane Jacobs, avec une photographie extraite du documentaire « Citizen Jane : Battle for the city », à voir en anglais, comme il faut lire « Survie et déclin des grandes villes américaines » en anglais et non en français (sinon : choc !). En lisant le titre du documentaire, « Bataille pour la ville », on pense au livre découvert hier en librairie : Contre la ville durable, de Matthieu Adam, qui semble considérer tout projet d’aménagement comme le fruit d’un « urbanisme néolibéral, autoritaire et inégalitaire ». Les batailles d’aujourd’hui semblent désormais se faire plutôt contre que pour. Sujet a minima de discussion avec nos étudiants à la rentrée prochaine ! Peut-être faudra-t-il actualiser notre article « Dépasser la ville néolibérale » publié dans Métropolitiques en 2022 (il y a 2 ans, une éternité !).

 

Jeu d’observation

A gauche la première version de l’illustration remise par Lilas Ozanne (« L’illustration V1 est en pièce jointe. En lisant votre texte, il m’a semblé qu’une idée forte est que l’urbaniste fait le trait d’union entre plusieurs corps de métiers et plusieurs échelles de projets. C’est pourquoi je suis partie sur le principe de l’urbaniste venant peindre les passages piétons pour que les différents acteurs puissent se rejoindre… sur un trottoir ! J’espère que ce principe vous ira »). A droite, la version finale et au milieu, une version intermédiaire. Verrez-vous la différence entre les deux images de gauche (qui n’est ni la couleur, ni le troisième passage piéton, ni la dame âgée avec sa canne, ni l’inscription) ? Pour ma part, je ne l’avais pas vue du tout, alors qu’elle renforce la signification de l’illustration (que j’adore !) ! Vous pouvez envoyer votre réponse à ibicity@ibicity.fr !

Lilas Ozanne avait réalisé en 2018 les illustrations de notre étude jaune « Quels seront les opérateurs de la ville de demain ? ». Merci aussi aux Mots Qui Manquent pour l’enneigement de l’illustration, et amener la neige !

 

Et toujours nos voeux 2024 (chemins ouverts pour peu qu’on s’y aventure), 2023 (ouvrez l’oeil !), 2022 (faisons un nouveau pas de côté), 2021 (faisons un pas de côté), 2020, 2019, 2018, 2017, 2016 (un « grand-huit piéton » !), 2015, 2014, 2013, 2012, 2011 !

 

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