Bonne année 2023… et ouvrez l’oeil !
Une partie d’Aventuriers du rail l’après-midi de ce 1er janvier 2023 le confirme : rien de tel pour démarrer l’année que de… jouer !! (au passage, on signale qu’on a joué avec une nouvelle version du jeu, avec un plateau « monde » et des bateaux en plus des trains… et aucun avion bien-sûr).
(ci-dessus les plateaux : monde, Etats-Unis, Europe, Londres, Italie)
Après le pas de côté proposé pour démarrer 2022, voici donc cette fois-ci pour démarrer 2023 un petit JEU d’observation : que cache la photo-carte-de-voeux ?
La réponse figure en bas du billet. Bonne ou mauvaise réponse, ibicity vous souhaite une… fructueuse… année 2023 !!! … et vous invite à ouvrir l’œil.
Car quelques indices (notamment les traces du système d’ouverture d’une porte) montrent bien que, malgré le retour des arbres fruitiers en ville (voir par exemple « Vergers des villes, vergers des champs, l’incroyable succès des arbres fruitiers »), la photo n’est pas celle d’une géante cagette d’abricots.
Ouvrir l’œil, apprendre à voir, observer, mais aussi rendre visible ce qui est invisible… Ces injonctions semblent bien avoir rythmé l’année 2022. Elles ne sont d’ailleurs pas le fruit (pas forcément un abricot) du hasard mais bien le reflet d’une période de mutations si fortes qu’il est nécessaire de les décrypter avant d’agir. Et que l’observation la plus attentive est ce qui permet de regarder le monde, et notamment les villes, avec les lunettes d’aujourd’hui et non des lunettes anciennes (cf. notre billet de voeux 2021 sur le pas de côté comme manière de chausser de nouvelles lunettes). C’est particulièrement nécessaire pour faire de la prospective pour outiller le passage à l’action (sur le rapport entre prospective et séries télévisées, c’est ici ; sur le séminaire « Futurs de ville » qu’ibicity organise pour Futuribles, c’est là – la prochaine session aura lieu début juin 2023).
En septembre 2022, l’anthropologue Nicolas Nova publiait ainsi un stimulant petit livre qui propose des « exercices d’observation » pour “retrouver une sensibilité au monde, aux êtres et aux choses qui le composent, cultiver l’art d’observer“. (voir ici une tentative d’application aux trottoirs d’Helsinki).
Apprendre à voir, c’est aussi prendre d’autres points de vue, et notamment « le point de vue de vivant », ainsi que nous y exhortent de plus en plus de philosophes (cf. Baptiste Morizot découvert grâce à Partie Prenante) ou juristes (par exemple, le fameux Parlement de la Loire, qui vise à donner une personnalité juridique à un fleuve). Ainsi, dans « Apprendre à voir », sous-titré « le point de vue du vivant » et publié mi-2021, Estelle Zhong Mengual demande : « et si nous apprenions à voir le vivant autrement ? Si nous entrions dans un monde réanimé, repeuplé par les points de vue d’autres êtres que nous ? ». Son livre se propose d’ “équiper notre oeil pour saisir le vivant autour de nous ». Prenant appui sur de nombreuses peintures et gravures, le livre enquête « les arts de l’attention ».
(Concernant Marcus Coates, voir ici son oeuvre pour Paris La Défense)
« Reconstruire le regard » c’est encore ce que propose l’historien d’art Pierre Wat, découvert en décembre 2021 lors d’une passionnante conférence avec Eva Jospin au Musée de la chasse et de la nature (indispensable musée qui accueillait cette année l’exposition « Incursions sauvages », avec un sanglier (pour le coup non pas vivant, mais empaillé) sur un trottoir).
Evoquant des paysages dont l’homme paraît absent, Pierre Wat montre comment il est possible d’y lire la trace d’une histoire parfois tragique. Evoquant le poème “Grass” de Carl Sandburg (“Je suis ‘herbe ; je couvre tout / … / Je suis l’herbe. Laissez-moi travailler”), il écrit : “toute l’oeuvre de mon livre est de montrer le revers du champ de coquelicots” (écouter aussi : « Le pèlerin sans but » – Pierre Wat sur France Culture).
« Fournir au regard des modèles de vision“, en l’occurence “des scènes de perception et de délectation”, c’est encore ce qui permet de rendre un lieu esthétique et de le transformer en paysage, et c’est notamment ce que permettent les artistes. Par exemple, la beauté des paysages du Val d’Orcia et de Pienza (le cyprès en haut d’une colline) nous apparaît comme telle parce qu’elle a été représentée par les peintres de la Renaissance italienne. (cf. le principe d’« artialisation » évoqué par Alain Roger dans « Court traité du paysage ». Merci à SL pour la référence). De même, le brouillard de Londres n’existait pas avant Turner, dixit Oscar Wilde.
Ouvrir l’œil, c’est aussi prendre conscience de la matérialité de ce qui paraît immatériel, comme le numérique. Plus largement, s’agissant du devenir des villes et des territoires, la question des infrastructures est primordiale. Signalons trois ouvrages qui ont été publiés à ce sujet en 2022. Dans « Paysage de lignes. Esthétique et télécommunications », Carlotta Daro, historienne de l’art, explore les croisements entre « choses techniques », architecture et arts. Dans « A bout de flux », Fanny Lopez, historienne de l’architecture et des techniques, propose de décortiquer les dimensions politiques et spatiales des infrastructures énergétiques. Dans « le futur des métropoles. Temps et infrastructure », Nathalie Roseau, professeur à l’Ecole des Ponts, interroge les rapports au temps qu’entretiennent les villes et leurs infrastructures, « construites pour durer alors même que leurs fonctions sont destinées à évoluer ».
C’est d’ailleurs cette « souplesse » des infrastructures que nous interrogeons dans le rapport co-écrit avec Espelia et Partie Prenante sur « le modèle économique des services urbains au défi de la sobriété », publié en septembre 2022. Nous y montrons comment, voulue ou contrainte, la baisse des consommations (d’eau, d’énergie, etc..) oblige à réinterroger le dimensionnement, le financement des infrastructures qui permettent leur fourniture. Nous y évoquons aussi les enjeux de la comptabilité, ce « pilote invisible de l’action publique » selon l’expression de Dominique Lorrain (Dans “Gouverner par les instruments”, sous la direction de Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès).
A propos de rendre visible l’invisible, lire également le billet « Paris ville invisible » (livre écrit par Bruno Latour et Emilie Hermant) et plus largement nos billets sur la cartographie.
Bref, en 2023, on ouvre l’œil !… et on joue !
Nos précédents billets jeux :
- Cluedo : le Docteur Lenoir a été assassiné dans la salle de bains
- Serious Game sur les bilans d’aménagement
- Jeu du confinement 10 km
Et aussi tous les billets avec le tag « jeu » ! et aussi bien-sûr le site de référence sur le jeu et la ville : pop-up urbain.
Pas de nouveau Carnet d’économie urbaine cette année – nous travaillons sur une autre publication qui paraîtra d’ici l’été aux Editions Apogée, l’éditeur notamment du Manifeste de l’économie circulaire de Sylvain Grisot… (teasing !), mais on vous invite à découvrir notre “rapide bilan de l’année 2022” (avec un jeu-devinette en lien avec l’actualité du 6 octobre 2022 !… suspense…) qui nous conforte dans les intuitions/convictions que nous y développions.
(cliquer ici pour le bilan 2022)
Et maintenant la réponse au jeu d’observation :
La photo de la carte de voeux (merci à LesMotsQuiManquent !) cachait donc une camionnette de livraison. Certains diront : après le green-washing, le « abricot-washing » ! (sur la logistique urbaine comme enjeu majeur pour les villes, voir par exemple ici l’interview du DG de Sogaris et la conviction 1 de notre Carnet d’économie urbaine).
Et pour finir : chapeau ou lapin ?Réponse : tout dépend du point d’observation. (Œuvre de Markus Raetz qui avait été présentée en 2002 à la Maison Européenne de la photographie).
Bonne année à nouveau !… dans la suite de nos voeux 2022, 2021, 2020, 2019, 2018, 2017, 2016 (un « grand-huit piéton », notre carte préférée !), 2015, 2014, 2013, 2012, 2011.
Ici, nos voeux 2024.