Barbe Bleue, le foncier et la révolution industrielle
La décision du roi d’Angleterre Henri VIII de rompre avec l’Eglise catholique, pour divorcer de sa première épouse, serait à l’origine de…. la révolution industrielle britannique !
Extrait de la recension que fait Alternatives Economiques d’un papier de recherche :
Henri VIII a commencé par se faire nommer chef de l’Eglise de son pays. Une décision plus budgétaire que religieuse : il souhaitait ainsi récupérer dans ses caisses ce que les plus de 800 monastères envoyaient au pape. Il fait établir à cet effet un état des lieux précis de leurs revenus.
En 1536, il va plus loin en faisant voter une “loi de dissolution” des petits monastères, qui finit par s’étendre aux moyens et aux grands : les établissements religieux doivent fermer. Tout ce qui a de la valeur, comme les métaux précieux ou les cloches, est ramené à la Tour de Londres. Surtout, la propriété des terres détenues par les moines, entre un quart et un tiers de la surface du pays, est transférée à la couronne. Le roi en redistribue une partie – entre 15 % et 25 % selon les historiens – à ses proches. Mais s’empresse de vendre le reste rapidement, à partir de 1543, pour financer la guerre qu’il engage contre la France.
Trois siècles plus tard, au début des années 1830, on dispose des statistiques sur la localisation de la production de textile, la “nouvelle économie” du moment. Surprise : les endroits où l’industrie et l’emploi manufacturier sont le plus développés correspondent exactement à ceux où se trouvaient les monastères les plus riches. Comment l’expliquer ?
Les principaux acheteurs des monastères sont les membres de la “gentry”, l’aristocratie terrienne. Pas les plus puissants, mais plutôt l’aristocratie moyenne qui a profité de l’aubaine pour posséder au final environ la moitié des terres cultivées. Or, cette aristocratie moyenne est la plus dynamique : c’est elle qui va faire réaliser des gains de productivité importants à l’agriculture – libérant ainsi de la main-d’oeuvre pour l’industrie – ; elle qui va exploiter les matières premières nécessaires aux usines ; elle, enfin, qui va participer au financement des investissements industriels.
Puisque l’on parle de roi et de foncier, on ne résiste pas au plaisir de mettre une photo de “l’écrin en maroquin fauve contenant les clefs des domaines royaux“, qui vient d’être vendu par Sotheby’s (ici). Le temps d’une exposition, nous avons eu ainsi à portée de mains les clefs des jardins royaux, de Vincennes, Versailles, Saint-Cloud, Saint-Germain….
Un coffret analogue avait été vendu en 2009 à Drouot (ici) :
Pour clôturer cette vente, les clefs des jardins royaux offertes par le roi Louis-Philippe à sa sœur Madame Adélaïde seront proposées aux enchères à 15 000/ 20 000 €. Ce rarissime coffret en chagrin havane à grain long, marqué sur le dessus en lettres d’or S.A.R. Madame la Princesse Adélaïde, est signé au dos Garnesson, 155 Palais Royal. Il ouvre par un abattant découvrant quatre tiroirs contenant les clefs donnant accès aux principaux jardins du domaine royal. Premier tiroir : inscription en lettres d’or : Parc de Vincennes, contenant sa clé en acier. Second tiroir : inscription en lettres d’or : Forêts de Versailles, et Parc de Versailles, contenant ses deux clefs en acier. Troisième tiroir : inscription en lettres d’or : St Cloud, parc réservé et Montretout, et St Cloud, parc réservé et Cascades, contenant ses deux clefs en acier. Quatrième tiroir : inscription en lettres d’or : Forêts de St Germain et Meudon, Parc réservé, contenant ses deux clefs en acier.
Cliquer ici pour lire notre précédent billet “historique” : “Il n’est plus de chemin privé si un jour l’histoire y chemine”.
Sources :
“Barbe Bleue et la révolution industrielle” – Christian Chavagneux – Alternatives Economiques – Octobre 2015 : ici
“Monks, gents and industrialists : the long run impact of the dissolution of the english monasteries” – Leander Heldring, James A. Robinson, Sebastien Vollmer, NBER Working paper n°21450, août 2015, téléchargeable ici