Argent : en parler ou pas ?
En ce moment se tient au Pavillon de l’Arsenal une très riche exposition sur l’un des projets les plus intéressants du moment : la reconversion de l’entrepôt Macdonald.
Cet entrepôt, le plus grand de Paris (19e arrondissement), construit en 1970, s’étend sur 617 mètres de long (presque aussi long que l’Île Saint-Louis). Il fait, depuis 2012, l’objet d’une reconversion doublement originale. A la fois en termes de parti pris : plutôt que de le détruire, il a été décidé d’en faire le “bâtiment-socle” d’un projet ambitieux développant 167.000 m2 d’espaces mixtes, comprenant logements (environ 1.100), bureaux, commerces, activités et équipements. Originale en termes de montage également, puisque le projet est porté conjointement par la Caisse des Dépôts et Consignations, Icade et la Semavip, via une SAS.
L’exposition comme le catalogue qui l’accompagne sont très riches, et permettent de comprendre comment la complexité du projet a orienté la conduite de l’opération. On y trouve même – fait rare et qui mérite d’être salué – le point de vue du notaire, l’Etude Cheuvreux (Michèle Raunet) :
“L’opération Macdonald a été le premier exemple de mise en oeuvre de l’arrêt du Conseil d’Etat du 17 juillet 2009, dit “Ville de Grenoble”, qui a admis la pluralité de permis de construire en présence d’ensembles immobiliers complexes. Dans le cas Macdonald, le permis unique se serait avéré inopérant pour gérer cette complexité. Il était essentiel que les maîtres d’ouvrage puissent déposer des permis de construire modificatifs ou des déclarations d’achèvement et de conformité des travaux de manière indépendante. Ainsi, dans le respect de l’exception posée à ce principe par l’arrêt du Conseil d’Etat, ont été déposés et obtenus six permis de construire qui ont fait l’objet d’un “dossier chapeau” unique permettant aux services instructeurs de la Ville de Paris et de la Préfecture de police d’apprécier la globalité du projet et le respect des règles d’urbanisme et de sécurité, comme si un seul et même permis avait été déposé. Ce système a, depuis, fait des émules : il a, par exemple, été mis en oeuvre dans le cadre de l’opération du Stade Allianz Arena de Nice”. (Catalogue, page 167)
Bref, c’est une exposition comme on aimerait en voir plus souvent…. si ce n’était une étrange curiosité : il n’est absolument pas question du coût du projet (sauf erreur, le terme “euros” ne figure pas dans le catalogue !). Or, de fait, il s’agit d’un projet très coûteux (plus d’un milliard d’euros) et un surcoût de plus de 100 millions d’euros avait été d’ailleurs rendu public début 2014 (cf. par exemple l’article du Moniteur du 17 mars 2014, ici). Autrement dit, l’importance du coût de l’opération pose la question de la réplicabilité d’une telle opération, voire même de la pertinence du parti pris de reconversion par rapport à d’autres options. Et on aimerait comprendre comment justement les éléments financiers ont pu orienter les décisions architecturales et programmatiques, et aussi comment la Caisse des Dépôts et la Ville de Paris ont mesuré le rapport coûts/bénéfices de l’opération. Espérons que ce sera pour une suite de l’exposition….
Ainsi donc, nous quittions le Pavillon de l’Arsenal en maugréant contre cette approche bien française de l’architecture qui feint d’ignorer la contrainte financière, quand… nous sommes passés devant La Manne, le nouvel espace créé par l’Agence de Nicolas Michelin (plus exactement par sa fondation). Outre que l’accueil y est charmant et les tartes-citron délicieuses (le lieu est tenu par une “architecte-pâtissière” !), s’y tenait une exposition au titre explicite : “ARGENT LOGEMENT AUTREMENT”. Ca alors !!
L’exposition est prolongée jusqu’à fin septembre, et mérite le détour, ne serait-ce que pour le parti-pris de pédagogie qui a été retenu. L’exposition cherche à comprendre “pourquoi les logements sont si chers et si petits en France, alors que dans d’autres pays européens, ils restent abordables et de grandes tailles”. Elle rappelle par bien des égards le travail qui avait été mené sous la houlette du promoteur ING Real Estate quand nous y étions en 2009 (et qui avait d’ailleurs donné lieu à une publication par …. le Pavillon de l’Arsenal), qui comparait le coût de construction et la qualité des logements collectifs entre six projets en France et six projets ailleurs en Europe. L’expo de Michelin adopte toutefois un point de vue assez différent, puisqu’elle milite notamment pour l’auto-promotion et donc…. la suppression du promoteur ! Quelles que soient les conclusions, assurément, il s’agit d’un travail qui doit se poursuivre. On ne peut que se réjouir de ce que l’agence Michelin ait relancé le sujet !
Bon été !
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C’est aussi l’occasion de relire le catalogue de l’exposition (à l’Arsenal toujours, en 2012) “work in progress – nouveaux bureaux / nouveaux usages”, qui abordait notamment de manière très intéressante l’économie des bureaux.