Amazon versus commerces de proximité : la botte secrète des villes

Merci à la newsletter Cities in Mind de Fabien Clavier pour sa recension du dernier ouvrage d’Anthony M. Townsend : Ghost Road – Beyond the driverless car (WW Norton & Co – août 2020).

Comme “Des robots dans la ville” (Jean-Louis Missika et Pierre Musseau – Editions Taillandier – 2018), l’intérêt de l’ouvrage va bien au-delà de la seule question des voitures autonomes et pose plus largement la question de l’avenir de nos rues.

Il faut lire en particulier toutes les pages (pages 220 à 223 et page 232) consacrées au “curb management” (concept que les lecteurs de notre blog connaissent désormais par coeur ;-)).

On y retrouve plusieurs points déjà développés ici, notamment le constat que le trottoir est une ressource-clef pour les nouveaux opérateurs de la mobilité et de la logistique. Il constitue ainsi un actif stratégique, une botte secrète, que les villes peuvent utiliser pour réguler, entre autres, les plateformes du e-commerce.

Bottes secrètes des joueurs de Mille Bornes

Bottes secrètes des villes (extrait d’une infographie réalisée pour l’AIMF)

D’où aussi les enjeux de tarification soulevés dans l’infographie ci-dessus ainsi que dans un travail à paraître sur les rues de demain pour le Grand Lyon.

Nous aurons l’occasion de revenir largement sur ce sujet. En attendant, vous pouvez nous faire part de vos remarques en nous envoyant un mail et/ou lire l’extrait ci-dessous du livre d’Anthony Townsend.

Extrait (traduction ibicity avec Google Scholar – C’est nous qui soulignons – Version originale ci-dessous)

Le risque est que les villes perdent de vue le contrôle du domaine public. Jusqu’où sont-elles prêtes à laisser s’avancer la frontière de la logique du marché ? Après les routes, puis les bordures [notamment la bande de stationnement], les trottoirs seront-ils la prochaine frontière pour la tarification de la congestion ? (…) La tarification de la congestion en bordure de trottoir pourrait être manipulée par des sociétés comme Amazon pour assécher la concurrence. Et il est facile d’imaginer des villes à court d’argent concluant des accords avec Amazon, échangeant des paiements forfaitaires initiaux contre un accès préférentiel aux portes d’entrée des résidents.

Mais loin de surévaluer le trottoir, nous sous-estimons probablement son importance stratégique à l’avenir. Il est peut-être temps de repenser le trottoir en tant que nouveau type de frontière entre les économies en ligne et locales, et le parcomètre en tant que poste de douane du XXIe siècle. Si les méga-détaillants comme Amazon représentent une menace existentielle pour les économies locales de vente au détail et de services, les bordures seront le quai où leur pipeline mondial de marchandises est déchargé sur les côtes locales. C’est le meilleur point de contrôle pour les villes.

Au lieu de simplement facturer une forme sophistiquée et futuriste de frais de stationnement, nous devrions peut-être taxer la valeur de ce qui s’y décharge.

 

Extrait original :

Cities that cash in on the curb trough access fees won’t be flirting with the financialization of mobility so much as giving it a giant bear hug. The danger in such tactical thinking is that we’ll lose sight of the larger battle, and lose control over the public realm. How far are they willing to let the creeping frontier of market logic advance? First roads, then curbs – will sidewalks be the next frontier for congestion pricing? We saw earlier how the ride-hail revolution is leading toward collusion, consolidation, and off-loading of tolls onto consumers. Could this be the future for last-mile delivery too? Congestion pricing at the curb could be manipulated by cash-flush corporations like Amazon to starve out the competition. And it’s easy to imagine cash-strapped cities cutting deals with Amazon, trading up-front lump-sum payments for preferential access to residents’ front doors.

But far from overvaluing the curb, we’re probably underestimating its strategic importance in the future. Perhaps it is time to rethink the curb as a new kind of border between online and local economies, and the parking meter as the twenty-first-century customs house. If mega-retailers like Amazon pose an existential threat to local retail and service economies, curbs will be the quay where their global pipeline of goods is discharged onto local shores. It’s the best choke point for cities to push back.

Instead of simply charging a fancy, futuristic form of parking fees, perhaps we should tax the value of what’s washing up.

 

A signaler : le lancement en septembre 2020 par Amazon de “Amazon Sidewalk“… un réseau connectant des objets connectés entre eux grâce au Bluetooth, il pourra fonctionner à l’échelle d’un quartier entier…