A ne pas lire en cas d’overdose du terme “smart city”
Plus le terme de « smart city » se répand, et plus il apparaît que personne ne sait très bien ce qu’il désigne. C’est ce que décrit avec humour Francis Pisani dans sa dernière chronique de la Tribune, « C’est quoi, une smart city ? » :
« Tout le monde utilise le terme smart city et presque personne n’en est content. Chaque fois que j’interroge un interlocuteur sur l’intelligence de sa ville, il commence par me demander ce que j’entends par là. Et je suis obligé de répondre par des contorsions orales, des phrases qui n’en finissent pas, qui ne sortent pas toujours dans le bon ordre et ne convainquent personne. Heureusement, mes interlocuteurs sont presque tous dans la même situation que moi et la conversation peut s’engager. Mais il nous faut au moins un cadre de référence ; or il n’y en a pas aujourd’hui de couramment accepté ».
C’est donc pour avoir la réponse à cette question, « C’est quoi, une smart city ? », que nous nous sommes précipités pour acheter, en version papier s’il-vous-plaît, « Smart », le dernier livre de Frédéric Martel, sorti ce matin, qui consacre un chapitre à la « smart city ».
Alors, il faut le dire, au début, nous avons été un peu déçus. Car, l’auteur fonce bille-en-tête sur quelques exemples plutôt techno-centrés (Skolkovo en Russie, Konza City au Kenya, Porto Digital au Brésil, Israël en général), et ne prend pas le risque d’une véritable définition, pas plus qu’il ne cherche à caractériser les smart cities.
Mais cette déception a été bien vite levée. Car notre erreur a été de croire que le livre de Frédéric Martel ne parlait de la ville intelligente qu’au travers de ce chapitre « smart city ». Or, au fond, c’est tout son livre qui parle du rapport entre le numérique et la ville (ou plus exactement le territoire), et c’est finalement bien cela qui nous intéresse, et qui est passionnant.
« Le numérique, contrairement à ce que l’on peut penser spontanément, est donc essentiellement territorialisé. La clé du succès sur le web, y compris pour les géants du net, se résume en une formule célèbre : « location, location, location » (…). On parle aussi désormais de « location awareness », c’est-à-dire de la capacité d’un site, d’une application ou d’une carte, d’être compatible avec les territoires – la matrice de son succès. Avec le mot « smart », le préfixe « géo » est l’un des plus utilisés aujourd’hui sur internet : pour « géolocalisation » ». (page 367)
« Cette dimension territorialisée d’internet devrait même se renforcer dans les années à venir, du fait de la généralisation de l’accès au web et des smartphones. Le futur d’internet n’est pas global, il est ancré dans un territoire. Il n’est pas globalisé, il est localisé. Il faut d’ailleurs cesser de parler d’ « Internet », avec majuscule, mais lui préférer les « internets », en minuscule et au pluriel – et je l’écrirai ainsi dans ce livre. Mon sujet c’est cela : la diversité des internets. » (page 18)
Bon bon bon, mais quand même, c’est quoi une smart-city ? Dans l’intervention que nous avions faite à l’Institut de l’entreprise ici
, nous proposions une double définition. Dans une première acception, la ville intelligente, c’est la ville saisie par la révolution numérique, et, alors, toute ville est de fait intelligente. Dans une deuxième acception, la ville intelligente, c’est une ville qui se dote d’une stratégie pour optimiser, via l’usage du numérique, son fonctionnement quotidien, et alors seules les villes qui, d’une part, ont la volonté de développer cette dimension numérique, et d’autre part, qui ont les moyens de déployer les infrastructures techniques nécessaires, sont intelligentes.
NB : On retrouve cette double approche dans un article très intéressant d’Amel Attour et Alain Rallet, qui proposent notamment le schéma suivant :
Sources :
“C’est quoi, une smart city ?” – Francis Pisani – La Tribune – 18 avril 2014
Smart – Frédéric Martel – Stock – 2014
« Le rôle des territoires dans le développement des systèmes trans-sectoriels d’innovation locaux : le cas des smart cities » (Innovations, 2014/1 n° 43, p. 253-279)