Le lancement réussi, samedi, de la fusée SpaceX, est l'occasion de relire trois articles passionnants sur le rôle des satellites dans le quotidien des terriens, les ambitions de SpaceX en la matière et les enjeux de "gouvernance spatiale".
Les Echos du 28 décembre 2019 rappelaient l'importance des satellites dans notre vie quotidienne :
En dix ans, les applications fournies par les satellites ont envahi la vie quotidienne : météo, navigation, observation, sciences, télécommunications, télévision, gestion des catastrophes naturelles.
On estime qu'un habitant de la Terre utilise en moyenne quotidiennement les services d'une quarantaine de satellites ! Les besoins de bande passante explosent. Les réseaux terrestres ne pourront pas y répondre seuls, espèrent les opérateurs de satellites, qui entendent bien passer d'un marché de niche (la télédiffusion) à un marché de masse (les télécommunications).
Et le quotidien ajoutait :
SpaceX, Amazon, Google ou Softbank convoitent un marché mondial en distribuant internet à partir de constellations de milliers de petits satellites de série en orbite basse. Fini les territoires non connectés. Des milliards d'euros scintillent potentiellement autour de la planète. Le bureau d'études Euroconsult prévoit que le chiffre d'affaires spatial mondial va passer de 298 milliards de dollars en 2018 à 485 milliards en 2028.
Avec l'appât du gain, l'irruption du secteur privé et la multiplication des pays qui ont accès à l'espace, la gouvernance de l'espace devient un sujet brûlant. La législation actuelle, qui impose la liberté d'accès à l'espace et son utilisation à des fins pacifiques, n'est plus suffisante. Alors que l'ONU interdit l'appropriation par des Etats de la Lune ou de corps célestes, les Etats-Unis ont adopté en 2015 le Space Act, qui autorise l'exploitation et l'utilisation des ressources de l'espace. En vue par exemple de l'exploration minière des astéroïdes…
Numerama, en octobre 2019, détaillait plus précisément les ambitions de SpaceX :
Si SpaceX n'a que 60 satellites Starlink en orbite aujourd'hui, demain il pourrait en avoir près de 42 000. L'entreprise vient en effet de demander l'autorisation d'orbiter 30 000 nouveaux engins, en plus des 12 000 pour lesquels elle a déjà eu un feu vert.
SpaceX voit grand, très grand pour sa constellation Starlink. Si l’entreprise fondée par Elon Musk a commencé son projet modestement, avec l’envoi d’une première grappe de 60 satellites ce printemps, ses objectifs à long terme impliquent la mise en place d’un réseau comptant des dizaines de milliers d’engins en orbite autour de la Terre. Il pourrait en effet y avoir jusqu’à 42 000 satellites Starlink.
Ce nombre particulièrement élevé est en fait déduit des quelque 12 000 satellites que la société est déjà autorisée à déployer dans l’espace et des 30 000 autres pour lesquels une demande d’autorisation a été adressée à l’Union internationale des télécommunications (UIT), repérée le 15 octobre par Spacenews. Tous ces satellites évolueraient sur une orbite terrestre basse, à une altitude inférieure à 2 000 km.
Image : satellites autour de la Terre (source image : ici)
Ce grand nombre de satellites en orbite a de fortes conséquences, comme le rappelait, en avril dernier, Murielle Lafaye, responsable du Pôle Intelligence Economique du CNES, dans Futuribles :
Un tel nombre de satellites en orbite entraîne au moins trois grands risques de pollution :
• Une pollution physique, les débris des satellites défectueux ou en fin de vie menaçant le bon fonctionnement des autres objets, mais aussi la sécurité d’autres types d’activités spatiales, comme celle des voyages Terre-Station spatiale internationale. En outre, comme il est difficile de déterminer si les collisions entre objets sont volontaires ou accidentelles, on peut tout à fait imaginer un scénario de tensions et de conflits entre États à cause de chocs entre satellites.
• Une pollution visuelle pour des observations depuis la Terre vers l’espace mais aussi depuis l’espace vers la Terre. On a souvent tendance à oublier que l’observation de notre planète sera aussi massivement perturbée par ce véritable bouclier de satellites. Les conséquences sont, là encore, multiples et non sans gravité, puisque comme le soulignait Cédric Villani, cette pollution visuelle risque de dégrader fortement la qualité des images nécessaires à l’exploration scientifique de notre environnement, à la recherche sur le spatial, mais aussi aux prévisions météorologiques, etc. Sans parler de la pollution pour tout être humain qui aura de vraies difficultés à voir les étoiles !
• Une pollution des ondes. Le nombre conséquent de satellites, enfin, pourrait perturber les signaux GPS, les signaux Galileo, et entraîner un certain nombre de problèmes de communication et de navigation, voire une dégradation de services.
A lire également, sur le lancement de la fusée Space X, la dernière newsletter de 15marches, avec plein de références très stimulantes et ludiques.
[Rajout du 4 juin 2020 : à écouter : la chronique d'Hervé Gardette ce matin sur France Culture : "Des satellites et des étoiles"]
Sources :
- Dix ans qui ont transformé l’espace en Far West, Anne Bauer, Les Échos, 28 décembre 2019
- Internet par satellite : SpaceX veut mettre en orbite 30.000 sateliites de plus, Julien Lausson, Numérama, 16 octobre 2019
- Encombrement spatial et risques liés aux ambitions de SpaceX - interview de Murielle Faye par Marie Ségur - Futuribles - 7 avril 2020 :
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