Arte, Shakespeare et les trottoirs !
Trottoirs ! était “l’invitée de la semaine” de l’émission 28 minutes sur Arte ce vendredi 2 juin 2023 !
Ce vendredi, le correspondant européen à “Libération” Jean Quatremer, le journaliste Brice Couturier, la directrice de la revue “Regards” Catherine Tricot et le dessinateur Pascal Gros reviennent sur l’actualité de la semaine. L’enseignante à l’École urbaine de Sciences Po Isabelle Baraud-Serfaty les rejoindra sur le plateau. Dans son livre, “Trottoirs !”, aux éditions Apogée, elle nous raconte l’histoire millénaire et méconnue de cette “partie latérale d’une rue, surélevée par rapport à la chaussée”. Initialement réservé pour les piétons, cet espace public est détourné de son usage et se transforme petit à petit en espace privé. Avec le retour des beaux-jours, les commerçants se disputent le moindre centimètre carré : gare où vous mettez les pieds.
Pour voir le replay, c’est : ici (durée : 5 minutes).
Les téléspectateurs attentifs auront noté cette jolie perle : « Shakespeare ne parle pas de trottoirs dans ses romans » !! Ah ah ! Que vient dont faire le dramaturge anglais (qui n’a pas écrit de romans !!!) sur le trottoir ?
Réponse : un producteur de radio m’a donné comme conseil de « contextualiser » les dates, plutôt que de les citer de manière trop précise. Par exemple, ne pas dire : « en 1854 » mais : « au début de l’édilité d’Haussmann ». Alors, en préparant le 28 minutes d’Arte, je me suis demandée comment contextualiser l’année 1666, qui est celle du Grand incendie de Londres et qui marque le retour du trottoir dans les villes européennes (les trottoirs existaient à Pompéi, mais disparaissent ensuite pendant le Moyen-Age). Charles II d’Angleterre, le monarque qui régnait à l’époque de cet incendie, ne m’inspirait pas beaucoup. Je pense alors à Shakespeare, constate qu’il est mort en 1616, soit pile cinquante ans avant le Grand incendie, et me dis : c’est bon, je tiens mon contexte ! Et voilà comment Shakespeare se retrouve impliqué dans les trottoirs !!
Quant à la dernière question de Renaud Dély (« Sur quel trottoir aimez-vous flâner ? »), j’avoue avoir été prise au dépourvu. J’ai cité la rue Richer, officiellement « parce que c’est la rue qui était celle du Grand-Egout de Paris » (ce qui a semblé surprendre l’animateur de l’émission ;-)), mais bien d’autres réponses auraient été possibles :
– Les trottoirs de la rue Linné parce que Georges Perec les décrit dans Espèces d’espaces (dont une ré-édition augmentée vient d’être publiée, qui contient cette (émouvante pour qui aime les trottoirs et Perec) reproduction d’une phrase manuscrite de l’auteur : « J’ai un vu deux pigeons marcher sur un trottoir »)
– Le trottoir de la rue Junin à Buenos Aires, parce que Jorge Luis Borges écrit : « Qu’est-ce donc que Buenos Aires ? (…) C’est le trottoir de la rue Quintana où mon père, qui avait été aveugle pleura parce qu’il voyait les anciennes étoiles » (cité page 242 de Trottoirs ! à propos du rôle de l’ombre sur les trottoirs) ;
– Les trottoirs de Wimpole Street à Londres parce que c’est là que Flush (l’épagneul cocker doré qui donne son titre à une amusante biographie de Virginia Woolf), « pour la première fois, entendit le bruit de ses griffes sur les rudes trottoirs de Londres » ;
– Les trottoirs le 1er mai car ils sont remplis de muguet ;
– Etc, etc.
Curieuse en tout cas de savoir quel est le trottoir préféré des (futurs) lecteurs de Trottoirs ! !
Ce qui est certain, c’est que les imaginaires du trottoir sont très contrastés, que l’on compare les trottoirs assimilés au « caniveau » (cf. l’amusant dessin de Pascal Gros sur 28 minutes) et l’idée selon laquelle les “trottoirs sont le plus court chemin vers la poésie” (évoqués par notre co-invité mardi 30 mai dans Book Club sur France Culture) !
Lien vers l’intégralité de l’émission 28 minutes du 2 juin 2023: ici.
Pour “feuilleter” Trottoirs : là.
Pour retrouver la critique dans Le Mondes des livres : ici.
NB : les téléspectateurs encore plus attentifs auront noté que la chaise sur laquelle je suis assise apparaît en cours d’émission, elle n’était pas sur le plateau pendant les vingt premières minutes. Magie de la télévision !
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