Extrait de l'interview de Guillaume Pépy, président de la SNCF, dans les Echos du 25 septembre dernier (c'est nous qui soulignons).
La vision pour les années à venir consiste à faire de la SNCF une entreprise de plates-formes et un groupe industriel. C'est ce qui fait notre originalité, et nous rapproche plus d'Amazon que de Google. Notre ambition est de faire de la mobilité un service. Nous produisons une partie de ces services, et nous sommes partenaires pour les autres.
Qu'entendez-vous par « entreprise de plates-formes » ?
Cela fait plusieurs années que nous investissons massivement dans ce domaine. Voyages-sncf.com, qui est le premier site d'e-tourisme en France, va devenir Oui.sncf le 7 décembre. Il est encore plus multi-modal et s'ouvrira à la mobilité régionale et locale, avec de nombreuses offres qui concerneront le tramway de Bordeaux ou encore le métro de Lille. En parallèle, l'application SNCF compte 25 millions de visiteurs uniques chaque mois, ce qui en fait la première application transport du pays. Nous y ajoutons progressivement la majorité des réseaux urbains de France, avec des horaires en temps réel. Ce sont déjà des outils puissants. Aujourd'hui, nous accélérons.
Comment ?
Nous avons fait cet été l'acquisition d'une start-up, Loco2, une pépite technologique. Nous voulons répliquer le succès de voyages-sncf.com en créant une plate-forme de distribution à l'échelle européenne. Loco2 en sera le vecteur, et s'ouvrira à toutes les mobilités partagées. Par ailleurs, nous construisons avec nos partenaires RATP, Transdev et BlaBlaCar un entrepôt de données commun sur toutes les offres de transport.
Dans quel objectif ?
A partir de cet entrepôt de données, SNCF proposera un assistant personnel de mobilité, disponible 24 heures sur 24, qui prendra en compte vos déplacements, et les combinera avec toutes les offres disponibles sur le marché, quel que soit le mode de transport. Cet outil concevra le meilleur itinéraire en combinant les différents modes, fera la ou les réservations, avec des informations en temps réel sur l'état du trafic, et une billettique intégrée accessible par le smartphone.
Ce futur assistant de mobilité traduit une volonté d'ouverture qui est une révolution dans le nouveau projet du groupe. Nous ne voulons pas nous comporter comme une citadelle assiégée, mais au contraire montrer que nous avons suffisamment d'atouts pour nous ouvrir, y compris vis-à-vis des nouvelles mobilités que nous pouvions percevoir comme concurrentes.
Comme le covoiturage ?
Les offres de covoiturage, qu'il s'agisse de l'offre du groupe, Idvroom, ou de celles de concurrents comme BlaBlaCar, pourraient effectivement demain être combinées avec le train pour compléter certains trajets, avec un seul billet et une seule réservation. Le covoiturage n'est pas notre ennemi. Nous faisons le même métier, celui de la mobilité partagée, et nous avons le même adversaire, l'usage individuel de la voiture. Alors connectons les offres, mettons-les ensemble sur des plates-formes, et les clients auront le choix. Ce qui nous rapproche de nos concurrents dans les mobilités partagées est beaucoup plus fort que ce qui nous éloigne. C'est un projet dans lequel tout le monde gagne, qui va fiabiliser le transport collectif, le rendre plus simple, et où nous pouvons être moteur, sans pour autant être hégémoniques.
À quel horizon pensez-vous aboutir ?
Ce n'est pas de la science-fiction ! La technologie est là, la volonté d'ouverture aussi. Maintenant, le défi est immense. Dans un an, nous devrions avoir des résultats vraiment intéressants pour nos clients.
D'ici là, vous devrez aussi vous attaquer aux lacunes mises en évidence par la pagaille gare Montparnasse fin juillet... Nous avons mal géré cet incident. Nous l'assumons, c'est notre responsabilité. Nous nous sommes remis en cause , et nous sommes engagés dans un programme de rupture, baptisé « Robustesse et Information », qui refond nos processus industriels de régularité et notre système d'information voyageurs. C'est un programme crucial, aussi important que celui lancé il y a quatre ans sur la sécurité ferroviaire.
Que faut-il en attendre ?
Un saut de qualité de service ! Lorsqu'il y a un incident, nos offres de transport alternatives doivent être complètes et claires, ce qui n'a pas été le cas cet été. Cela passe par l'établissement de scénarios de secours dans tous les cas. C'est un gigantesque travail, qui a démarré cet été. Le numérique va faciliter les choses. L'intelligence artificielle aussi, en améliorant la prédictibilité de la durée des incidents. Cela s'inscrit dans la stratégie de SNCF Réseau, où Patrick Jeantet est en train de transformer le réseau actuel en un réseau innovant et connecté.
A lire aussi notre précédent billet : Cinq nouveaux mots de la ville.
A lire également : le dernier rapport du Conseil d'Etat : "Puissance publique et plateformes numériques : accompagner l'"ubérisation"" : ici.
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