Très intéressant article dans le Monde d'aujourd'hui, qui nous semble conforter notre hypothèse d'une ville de plus en plus conçue comme un bouquet de services (cf. notre article co-écrit avec Clément Fourchy, Espelia, et Nicolas Rio, Partie Prenante dans la revue Esprit : Financer la ville à l'heure de la révolution numérique).
Extraits (c'est nous qui soulignons) :
Porté par l'Internet, un nouveau modèle, où l'usage prime sur la propriété, bouleverse la consommation. Loisirs, beauté, alimentation : aucun secteur ne semble résister à l’économie de la souscription. Un écosystème prend forme autour des spécialistes de la distribution.
Netflix et Spotify, les géants de la vidéo et de la musique en streaming, sont devenus des chouchous de l’économie américaine. Mais aussi Stitch Fix, un expert du coaching vestimentaire qui expédie des sélections de vêtements à ses membres, ou encore Birchbox et Dollar Shave Club, dont les cosmétiques et produits de rasage ont conquis les salles de bains américaines. Leur point commun : des millions d’abonnés, dont la liste s’allonge de façon vertigineuse mois après mois. « A l’avenir, la croissance viendra uniquement de cette économie de la souscription, qui progresse déjà neuf fois plus vite que la moyenne des groupes de l’indice S&P 500 », a assuré Tien Tzuo, cofondateur de l’entreprise informatique Zuora, de passage à Paris le 26 septembre pour convertir les Français à ces modèles. Venant d’une société californienne qui vend des solutions de gestion d’abonnements et prépare une entrée en Bourse, le propos n’est pas totalement désintéressé. Il fait néanmoins écho aux déclarations du directeur du développement durable d’Ikea, Steve Howard, qui affirmait l’an dernier que les pays occidentaux arrivent à « un pic de viande rouge, un pic de sucre et un pic d’objets ».
La mort du produit ? Pour Philippe Moati, cofondateur de l’Observatoire société et consommation (Obsoco (http://www.lobsoco.com/) ), « on réalise, du côté de l’offre comme de la demande, que la finalité de la consommation est seulement d’obtenir une solution à des problèmes. Jusque dans l’alimentation ». Les technologies ont déjà poussé des pans entiers de l’économie à basculer dans cet « âge de l’accès », théorisé dès 2000 par Jeremy Rifkin.
Les millenials, nés à partir de 1980, cochent en particulier toutes les cases d’une génération abonnement. Ils sont à l’affût de bons plans, se disent peu attachés à la propriété et veulent pouvoir accéder à tout, et dans la seconde, avec leur smartphone. L’offre TGV Max, réservée aux 16-27 ans, part de ces constats. Et malgré les critiques suscitées par un nombre de places limité, c’est un succès : 90 000 jeunes ont cédé aux sirènes de la SNCF et 2,8 millions de voyages ont été réservés en neuf mois.
Jeremy Rifkin ne s’était pas trompé en prophétisant que « la plupart des biens et équipements coûteux » seraient à l’avenir fournis « sous forme de bail à court terme, de location, de droit d’adhésion et autres types de services ». Sur le papier, nous y sommes. Le cas du lave-linge l’illustre. Les consommateurs peuvent encore l’acquérir (pour 300 euros et plus), s’abonner au modèle de leur choix tous frais d’entretien compris (à partir de 13 euros par mois chez Lokéo) ou, dans les grandes villes, opter pour un service de pressing livré à domicile (25 euros les 10 kg de linge par mois au Lavoir Moderne), qui libérera 1 mètre carré dans l’appartement.
En quelques années, l’abonnement est ainsi devenu « un sujet pour tout le monde », se réjouit David Azoulay, le fondateur de Ziqy, une société de gestion d’abonnements, qui dit avoir vu défiler 25 entreprises du CAC 40, impatientes de connaître en direct leurs clients. Les technologies de l’information le permettent. « L’offreur s’appuie sur une intelligence de plus en plus fine du consommateur pour aider celui-ci à coconstruire son abonnement, car on sait exactement comment les individus qui lui ressemblent se comportent », explique Kai Bandilla, qui dirige en France le cabinet de conseil en stratégie de prix Simon-Kucher & Partners.
Multiplier les abonnements pourrait toutefois devenir un véritable casse-tête pour les consommateurs. Ce qui fait dire à Kai Bandilla qu’une nouvelle génération d’abonnements se dessine déjà : « Demain, on ne vendra plus une uniteé de besoin qui est le café ou les couches, mais un ensemble, dont la gestion sera confiée à des agrégateurs. » Dans cette nouvelle manche, les gagnants seront ceux qui contrôleront les services de livraison et sèmeront des appareils connectés dans la maison. S’immisçant à nouveau entre les industriels et les clients. Amazon ne vise pas autre chose. Son programme Prime est au cœur de sa stratégie de conquête et de fidélisation des foyers. Chaque ajout de service en matière de shopping ou de divertissement renforce l’attractivité de son abonnement. L’option Dash en fait partie : elle permet de commander de façon récurrente, en France, environ 700 produits du quotidien parmi une cinquantaine de marques. Demain, il suffira de passer par l’assistant vocal de l’e-commerçant.
« Aucune proposition n’est aussi large qu’Amazon Prime sur le marché ; on n’a plus aucune raison de ne pas s’abonner », regrette l’entrepreneur et banquier d’affaires Patrick Robin. En janvier, il a abandonné l’idée de parvenir à fédérer les enseignes françaises autour d’un programme de fidélisation concurrent, EasyLife Premium. D’ici à la fin de cette année, un ménage sur deux pourrait être abonné à Amazon Prime aux Etats-Unis, selon des analystes. En France, le chiffre de 4 à 6 millions d’adhérents circule. Pas de répit dans cette chasse aux abonnés, qui reste ouverte, grâce à l’Internet, jour et nuit et sept jours sur sept.
Alors ? A votre avis, qui sera le futur Netflix des services urbains ??
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Sources :
- Génération abonnements - Le Monde - 10 octobre 2017
- les images sont extraites du site de Zuora, entreprise qui promeut l'économie de la souscription.
A lire également nos précédents billets :
- Lorsque la SNCF devient une entreprise de plateformes
- Lorsque la ville devient comme un service
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